vendredi 29 janvier 2010

78 : jeudi 28 janvier 2010

J'envie depuis longtemps les personnes qui n'ont pas besoin de beaucoup de sommeil, et j'admire celles qui savent contrôler leur quantité de sommeil plus de quelques jours d'affilée. Un nombre revient souvent, presque toujours le même, toujours au sujet de bêtes de travail : quatre heures de sommeil par nuit. J'ai aspiré à un tel rythme, bien que n'étant en rien un stakhanoviste, et même assez naturellement paresseux, oisif surtout, mais fantasmant de multiples activités qui seraient permises par une volonté de fer, ne dépendant donc que de moi, et nécessitant d'élargir le temps disponible, d'allonger les journées - c'est-à-dire de raccourcir les nuits. J'ai essayé à plusieurs reprises un tel rythme nocture, prenant ainsi le problème à l'envers, tâchant de trouver le temps disponible avant de déployer les activités pour le remplir. Mais c'était surtout une façon d'attaquer la question en plein cœur : mettre sa volonté à l'épreuve. Ce fut à chaque fois un échec, dès le troisième jour, le réveil ne sonne que pour me faire confusément penser à mon devoir d'aussitôt l'éteindre et dormir en paix dès la seconde suivante. Dans le moment supposé de la sortie du sommeil, mon esprit trempé et ruisselant de la nuit opaque et tiède où il baigne encore n'est pas seulement sans volonté, il n'a pas accès à la notion même de volonté, ni à une sensation qui pourrait en faire office. Quatre heures sont décidément trop peu pour moi, pour mon corps probablement, pour ma nature oisive assurément. Plus récemment, je décidai à nouveau de moins dormir, en m'attaquant avec une restriction plus douce, plus modérée. Me considérant comme un être moyen, je m'attribue des besoins de sommeil moyens, à savoir les huit heures dont il est généralement dit qu'ils font la nuit de l'adulte. La restriction dont je décidai fut le retranchement d'une heure de cette durée nocturne ordinaire. Sept heures de sommeil par nuit, voilà qui semble raisonnable, épreuve à ma portée vraisemblable, et prévenant toute possibilité d'assimilation de cette conduite au moindre héroïsme domestique. L'ennemi demeure le moment critique de l'émergence réticente et hasardeuse de la volonté lorsque le réveil sonne.