dimanche 4 mars 2012

823 : samedi 3 mars 2012

La musique des Salivants est triste comme une lune fondante. Le miel de la mort y coule en vastes ondées, généreusement saupoudré de regrets amers et de remords mal cuits. Qu’une seule volée de notes s’échappe de leurs flûtiaux et le plus endurci des cœurs tombe à la renverse. C’est pourquoi on a fini par leur interdire toute activité musicale. De temps à autre il arrive que l’un d’entre eux lâche encore vite bien fait une trille déchirante (pardonnons-le, il n’a pas pu s’en empêcher). On se contente alors de presser le pas, en écrasant une larme agacée.

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Jean a dit « il y a les violons, les violoncelles, les luthiers », il y a le choix des bois, il y a la forme qui a perdu au fil des siècles l'angle du manche, il y a le vernis, le chatoiement veiné, il y a les grands luthiers italiens Antonius Stradivarius, Paolo Maggini, il y a un violon de Louis Mangenot de 1830 au courbes pleines, un violon presque noir de Marchal un peu plus vieux, et un blond très clair de Claude Chevrier, aux lignes un peu raides, et ils sont tous les trois de Mirecourt, un brun sombre presque mort au timbre chaud, de Hopf, un classique de Charles Gaillard à Mirecourt de 1867, restauré, un beige doré foncé de François-Hippolyte Causse de Neufchâteau, un H. Clotelle de Mirecourt, presque rose, un caramel sombre de Franz Petz ou son entourage, qui date de 1764 et dont les ouïes sont contournées avec charme, il y a le galbe des voûtes, il y a les filets en ébène, en poirier, en baleine, il y a si l'on veut les parties blanches en houx, en charme ou en buis, il y a la barre d'harmonie, la caisse de résonance, les éclisses, les tasseaux, les coins, il y a la taille de la volute, le chevillier, le sillet, les chevilles et la touche, il y a la colle et puis l'encollage de gélatine ou blanc d'œuf sous le vernis, il y a le bouton et puis il y a l'âme, et il y a les cordes. Il y a ceux qui fabriquent l'archet, et celui qui le choisit. Il y a aussi les mains toutes les mains, jusqu'à celles de l'instrumentiste, il y a l'apprentissage, l'amitié entre l'homme et l'instrument, il y a moi qui essaie d'écouter.

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1, 2, 3, les internets sont un monde minuscule. On se chasse, on se perd, tu me retrouves, je t'évite, je me mens, tu fais semblant, je souris, peut-être que toi aussi, je m'évade, on se cache, on s'ignore, je te guette, je me fais violence, tu liras, je déménagerais, multiplie, multiplie les secrets. 1, 2, 3, cliquera, cliquera pas.