samedi 26 mars 2011

498 : vendredi 25 mars 2011

Noté dans le courrier d’une lectrice : Je me permets de me tourner vers vous afin de savoir, si, par le plus grand des hasards, le personnage de Léon ne vous aurait pas été inspiré par cet étudiant (voir photo ci-jointe) auquel mon père, alors pharmacien, avait loué une petite pièce au second étage de notre maison.


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Il y a comme une odeur de liberté dans les couloirs, l'apéro du vendredi sème ses couleurs anisées, les gens rient, s'oublient, trainent au soleil. Les téléphones font vainement entendre leurs cris stridents, nous sommes dehors, de l'autre côté des portes closes, prêts à courir encore et encore le weekend jusqu'à lundi.


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Retour au point zéro, estocade Ceux qui, en passant par la moraine avec des grelots, cheminaient vers le vieux monde en éclaireurs, ceux-là eurent de la veine. Foin de routes riantes et de plaine verdoyantes, c'est sur un large fleuve qui traverse tout du nord au sud qu'ils voguèrent. Trois mois au moins à flotter dessus en lâchant régulièrement du lest. Des hublots, ils ne distinguaient même pas les rives quand la brume faisait son apparition. L'impression d'être sorti du temps, happés dans des moments flous comme des estompes, pirouettes et cacophonies fades inclues. Presque pas d'ambiance, sur les murs couraient des colonies d'insectes à douze pattes, ce qui ne modifia pas le sens de leur histoire dont je me demande toujours où elle va. Un midi où le soleil poudroya plus que raison, des cristaux cliquetèrent à l'unisson avant de se briser, cling ! Des oiseaux noirs s’envolèrent croasser ailleurs, pfff... Cette occasion, ils la saisirent pour prendre la belle d'escampette. Sur le pas de ma porte, je ne me fais plus de mouron. Quand les longitudes auront été balayées, que les poules auront des crocs, poussant toujours plus à l'est et un peu par hasard, ils retrouveront leurs pénates. Car, c'est dans le sens de la rotation, que l'élan est plus leste.


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Elle devint très facilement Sacha Matoue, bien que son entourage l’ignorât totalement. Les consonances félines de ce pseudonyme la rassuraient, lui ressemblaient. Car c’était tout ce à quoi elle aspirait : se blottir en boule dans le creu d’une couette, recevoir la caresse d’une main, s’étirer sans fin, limiter son expression au grognement, au feulement, au cri. Elle n’avait pas eu vraiment à chercher cette nouvelle identité, elle s’était presque imposée. Elle s’était souvenue du nom d’une ancienne voisine et d’une amie qui cherchait un prénom original pour son enfant. Il y avait bien quinze ans qui séparaient sa rencontre avec la première de l’amitié qu’elle avait nouée avec la seconde. Le hasard fît qu’elle pensât à elles le même jour. C’était comme deux fils qu’elle aurait connectés ensemble pour fermer un circuit et allumer en elle cette petite diode bleutée. Basse énergie, basse consommation. Mais lumière quand même et poésie de Lampyre. Le matin, en se réveillant après une nuit difficile, elle exhortait doucement Sacha à se lever. Quand on la taquinait un peu trop, elle pensait spontanément : “ils ne savent pas ce que les Matoue ont dans le ventre”. Du reste, elle aurait été bien en peine de le révéler. Ce secret - y compris pour elle-même - la rendait plus importante, tout simplement plus consistante. Son comportement n’en subît pas de changement remarquable, du moins dans un premier temps. Peut-être était-elle légèrement plus distante, mais ses proches composaient déjà depuis longtemps avec ses absences et ses rêveries. Ils ne perçurent rien de nouveau. Pour eux, elle restait Delphine Meurizé. Elle continua de répondre à ses nom et prénom d’origine. Dans le miroir, la solitude et le silence, elle s’adressait pourtant quotidiennement à Sacha.