mardi 8 mars 2011

480 : lundi 7 mars 2011

Après quelques vaines tentatives, Charles renonça à monter l’escalier et s’affala sur les premières marches, prononçant quelques borborygmes indistincts visant à vouer aux feux de l’enfer cette ordure de Léon, puis sombra dans le sommeil.


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C’était se tromper de jour pour ce rendez-vous en clientèle et passer doublement pour ce qu’on ne pensait, tout de même pas, être, et du côté client au moment de se signaler à l’accueil et de se faire expliquer gentiment par le client lui-même, et du côté collègues et hiérarchie qui ne voyaient qu’un moyen supplémentaire de grignoter du temps libre avec cette invraisemblable excuse qui, au fond, n’en était même pas une ; être au bureau à onze heures sous les quolibets silencieux, à son pilori de bureau et, malgré tout, goûter au temps effectivement gagné, au trajet dépaysant, au supplément de soleil obtenu, penser à ça sans sourire, ouvrir sa boîte mail.


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Ils sont assis comme tous les soirs, en silence, côte à côte. Elle mange une salade bio, lui des lasagnes végétariennes. Une verre de Chinon blanc pour elle, et de St Emilion pour lui. Comme tous les soirs, ils sont assis sur leur canapé, sans se parler ni se regarder, engouffrant leur repas devant un film en noir et blanc. Leur journée est derrière eux, ils se sont posé les questions rituelles, ta journée s'est bien passée, oui et toi, tout va bien, as-tu payé le loyer, qu'est-ce qu'on mange ce soir. Il n'y a pas d'enfants à border ou de chat à caresser. Ils n'ont, finalement, plus grand chose à partager hormis leur maison et leur passion des films anciens. Ce soir c'est Psychose.


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Xavier attend Séverine au bas de chez elle pour l'accompagner au lycée. Elle est plutôt mignonne, souriante. Elle aime quand il lui parle cinéma, littérature, surtout poésie. Et elle sait se faire entreprenante lorsqu'ils sont seuls. Elle redevient néanmoins gamine quand elle traîne avec ses copines. A part ça, elle est la petite amie dont rêvent les garçons. Oui, ils forment un petit couple d'ados idéal. Xavier consulte son mobile, il contient 808 messages de Séverine, dont deux de ce matin déjà. Elle sera là dans deux minutes s'il en croit le dernier. Il craint qu'elle ne s'attache trop à lui. Il n'avait pas prévu ça. Il est sorti avec elle à cause des autres, des garçons qui commençaient à faire courir des rumeurs. Un gars qui n'aime pas le foot, les jeux vidéo, qui n'a même pas de compte Facebook, qui écoute de l'opéra et lit de la poésie, c'est louche. Les allusions devenaient plus explicites. C'est Damien qui lui a dit, lui a parlé de ce groupe Facebook dans lequel ils traitent Xavier de pédé. Ils m'ont fait le même coup, mais ils ont arrêté quand ils ont compris, que j'assumais. Je suis homo, et alors ? Xavier a honte. Non pas parce qu'il est sorti avec Séverine pour faire taire les rumeurs. Il a honte parce qu'il est sorti avec elle s'éloigner de Damien, ce garçon qui l'attire follement.