dimanche 20 mars 2011

492 : samedi 19 mars 2011

Léon se souvint soudain des autocollants jaunes qui fleurissaient sur les voitures de son enfance où, tantôt en français, tantôt en allemand, de doux rêveurs barbus et chevelus clamaient leur refus de l’énergie nucléaire, étalant ainsi au grand jour la preuve de leur absence totale de sens pratique et la prédominance dans leur mode de représentation du monde d’un esprit intrinsèquement réactionnaire (ce qui n’était pas le moindre des paradoxes concernant cette génération autoproclamée progressiste voire révolutionnaire qui, cependant, refusait cependant d’adhérer à l’inéluctable marche du progrès scientifique et technologique).


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Regarder le jour se dessaisir de sa lumière derrière les arbres, ces rochers tombés là on ne sait comment, vestiges de volcans plus vieux que ceux d’Auvergne, le ciel d’un noir bientôt velouté, les étranges constellations de l’hémisphère qui ne m’a pas vu naître, les dieux descendant, entrant en nous, annonçant l’instant d’extrême pudeur où les amants se dénudent comme pour la première fois avant que le plaisir ne s’en empare, prenant possession de nos corps pour que, le temps d’un temps qui ne se peut ni ne se doit mesurer, l’Univers et nous même soyons enfin ce que nous n’aurions jamais dû cesser d’être...


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Le vin tourne dans son verre et envoie son reflet rouge sur sa peau... Elle lève les yeux, sourie, s'illumine d'une plaisanterie. Sa conversation est légère, sa cuisine excellente, ses gestes sont mesurés. Parfois elle éclate de rire, déployant sa gorge en arrière vivement et sans calcul. Le dîner bat son plein, les convives sont charmés, conquis, ils se disent que Georges son mari à bien de la chance, qu'ils ont l'air heureux tous les deux. Personne ne remarque ses manches un peu trop longue par cette chaleur, les ombres sous ses yeux couverts de fond de teint. Parfois Georges frôle sa main, son bras, dans un geste à l'apparence tendre et amoureuse... J'ai l'impression d'être la seule à voir le tressaillement de son corps, la panique dans ses yeux, la nausée de sa vie. J'ai glissé les clés de mon appartement Breton dans son sac, un billet aller simple, quelques euros. Je vais vous laisser, bonsoir, merci pour cette soirée... J'espère qu'aucun orage ne viendra troubler l'après fête et qu'elle pourra partir.