mardi 5 avril 2011

508 : lundi 4 avril 2011

Chaque fois qu’il ouvrait un dictionnaire, Léon se demandait par quel bout commencer.

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Matin – arriver, marche entre heurtée et hésitante, dans la cuisine – se gratter le crâne, essayer un sourire - tenter un bonjour pas trop grommelant - accommoder son regard sur la table - tâter la cafetière - constater qu'elle est tiède - aller chercher, avec petite danse hésitation en croisant autre corps, un bol dans le placard de gauche – dire qu'on aime sa couleur, juste pour dire, pour le son, au moment où la dernière personne présente veut écouter RTL – s'excuser, et penser qu'on ne veut pas entendre cela – se concentrer sur le café qui est coulure bien noire vers le bol – demander si tout le monde est servi, et grogner de plaisir parce que oui – verser tout le café – mettre son nez sur tous les pots, choisir le miel liquide, et un croûton rassis dans la panière – oeuvrer à la dissolution de l'ensemble dans sa bouche – répondre à une phrase aimable – déguster son café, pas excellent, mais tant pis, dans la cuisine qui s'est vidée – regrouper bols, assiettes et couverts disséminés – charger la machine à laver – regarder soleil dans le jardin


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C’était avoir manqué et retrouver, comme attendu, le travail arrêté au point laissé, tout le monde débordé et deviner la poussière qui l’avait recouverte, poussière du regard des autres, poussière des intérêts pourtant commun, poussière énigmatique qui avait attendu le retour et notre souffle dessus comme s’il suffisait que nous revenions, tout simplement, comme si nous avions pu nous absenter un jour ou deux de plus, et jusqu’à combien en fait ? Des semaines ? Non pas seulement que nous fussions inutile, mais pire : le travail lui-même avait attendu et aurait pu encore attendre, lui-même inutile, confirmant notre intuition sur ce dossier comme sur tant d’autres, de leur caractère parasite, tout cet argent hors la société, pour où ?


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Eugène arrête son tracteur. Quelque chose d'anormal a attiré son attention plus loin dans les blés. Il connaît ses champs, il connaît le vent qui ondule ses pousses. Il y a une anomalie par là, en face. Il repousse la sueur de ses main et s'avance le pas léger afin de préserver sa future récolte. Il s'agit sans doute d'une bête. Les traces ressemblent à celles d'un sanglier, ces satanées bestioles viennent souvent saccager les champs... Une fois arrivé, son diagnostique est confirmé par l'odeur d'abord, puis par la vue. La bête gît éventrée et entourée de mouches, la carcasse est trop vieille pour y déceler la raison de sa mort d'un coup d'oeil. Il existe des règlements complexes entre l'état, les chasseurs et les agriculteurs. Eugène hausse les épaules. Qu'il s'agisse là de l'œuvre d'un fermier agacé ou d'un chasseur trop zélé, il n'en a cure. Déclarer la bête serait source de trop de complications. Il retourne vers son tracteur en maugréant : "va me falloir une bonne pelle..."