mardi 18 janvier 2011

431 : lundi 17 janvier 2010

L’oreille aux aguets, Léon se délectait dès que retentissait, dans le silence comme ouaté par la neige, la pétarade hésitante de la mobylette instable sur la chaussée glissante.

----------------------


C’était oublier de quoi la semaine précédente avait été faite. Se souvenir plus ou moins notre présence sur ce sol de moquette bleue, face à ces deux écrans, sur cette chaise identique à celle du voisin d'îlot, identique, au fond, à tout ici. Se souvenir un peu des sorties du midi, du temps toujours trop froid, ou trop humide, de quelques conversations, de visages encore ici aujourd’hui. Avoir une double impression de déjà-vu et d’inédit, comme un jour de rentrée où tous les nouveaux visages semblent familiers et, aussi, cette même peur, et cette même joie.


----------------------


Adèle Vaugnard referma son livre d’un claquement sec. Cette pimbêche de Gabrielle Corday, avait encore réussit à sortir un best-seller. Depuis leur premier livre respectif, Adèle et Gabrielle se vouaient une haine désormais légendaire au sein de leur maison d’édition. Personne n’aurait vraiment pu dire comment cela avait commencé, s’il y avait une raison – un homme, un plagiat, un mot déplacé – ou si simplement leur premier regard avait suffit pour déclencher une telle animosité. Peu de gens connaissaient la double vie d’Adèle et sa collection de romans à l’eau de rose, publiés sous le pseudonyme d’Eulalie Lancet. Après son mariage avec Monsieur Vaugnard, et une fois la passion et la nouveauté passée, Adèle commença à s’ennuyer. En prudent jeune homme, Monsieur Vaugnard avait alors encouragé sa jeune épouse à écrire. Son premier livre avait enthousiasmé son éditeur qui publiait fidèlement tous ses livres depuis.


----------------------


Joachim entend la voisine du dessus claquer sa porte. Bon débarras, il n'entendra pas son violon ce matin. Elle joue exclusivement de la musique classique alors que Joachim ne supporte cet instrument que façon déjantée à la manière de John Cale époque Velvet. Épuisé de sa nuit blanche, il commence sa lettre pour la 808e fois : Mon Hilda, il barre, Hilda mon amour, il raye, Mon cœur, il rature, Ma chérie, il biffe, Mon trésor, Mon... Il n'aurait jamais pensé qu'une lettre de rupture fût si difficile à écrire. Il prend la feuille couverte de ratures, forme une boule et la jette parmi les autres. Pas le moment de fumer avec ce tapis de papier dans l'appartement. D'ailleurs il n'a plus de clopes. Il décide de descendre en acheter au tabac d'en-face. La solution lui vient en fermant sa porte : il enverra un SMS. C'est en descendant l'escalier qu'il comprend enfin pourquoi il n'arrive pas à écrire cette lettre. Et c'est en sortant de son immeuble, sous le regard de quelques unes, comme Camille, Emma, Hermine, et même sa voisine, qu'il envoie son message à Hilda : strictement inférieur à trois.

----------------------

Elle offre la possibilité de laisser tous les choix ouverts, de partir dans une direction sans être empêché d’emprunter ensuite, ou simultanément, par couches, des directions contradictoires avec les précédentes. Elle n’empêche pas de rechercher la cohérence si on la désire, mais elle permet de s’arranger avec elle, de faire le pari : je pars dans tous les sens et des cohérences insoupçonnées naîtront, des pistes seront des impasses, des impasses attendues s’avèreront fécondes. Elle laisse ouvertes les possibilités des cohérences insoupçonnées dans le feu de tout bois.