mercredi 12 janvier 2011

425 : mardi 11 janvier 2011

Des vingt-quatre heures qu’il passa à Dublin, Léon garda un souvenir très mitigé.

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C’était ouvrir un nouveau projet, initialiser un nouvel environnement, mettre au propre les grandes lignes, les catégories les plus génériques à ce jour découvertes et, dans cette nouveauté, sur ce terrain vierge repérer, déjà, ce qui existait auparavant, les formes connues, les facteurs communs, les composés, les généralités, le banal.


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D’être qui tu es, le délire en bout de piste ne suffit plus. Ni le temps, cette vieille fille. Ni cette banquise à détisser. Pas même un beau lâcher de faucons. Depuis que la dialectique a loupé la dernière marche, un sommeil narquois, en attente de vide... Ou alors débris d’un paysage, cuir rutilant dans la coulisse, à l’orée aplanie des tempes, toi flattant la monstrueuse encolure... Ni ailleurs, ni là. Compter les cylindres, les tours-minute, les vibrations. Congédier. Et puisque le neutre gagne, et gagnera, s’affubler de quelque paradoxe de minuit,ou soutenir l’ombre de ses louves... Vivier de l’impatience, de tes franchises: spectres à genoux, gels et pièges, tiges jumelles, alcôve où tu me perds, intouchable, sous la dernière guêpière... (Pas une feinte. Pas d’horizon. La nostalgie de vaines murailles...) Soie des pavots, blonde, fais que la nuit future, puisqu’elle sera, ne crisse pas sous le venin de ta descendance. Que l’on ne t’écorche plus aux caillots de silence. Que tu demeure séparé jusque dedans la plaie qui s’arc-boute, à la pointe de cette tiédeur drue où, souverain, ton souffle glisse, et la reçoit ! « O the wings of the children », terre des leurres, poing refermé sur la lame, que mille haleines lapident ta soif. Que mille doigts bagués habitent l’isthme de ta cuisse. Déclore les rétines, enfin héler tes spectres... Foulées, foulées... J’ai beau refaire les comptes, épuiser les runes : tu ne fus que pour me justifier, sans crible, ni ressemblance, trop goulûment. Les éclairs sous l’espalier choisi, l’effeuillement des munitions, dedans l’air neuf, pour enfin t’éloigner... À portée de rasoir, l’harnachement des gestations, stigmates, décrues, bons pour oser... Nous acceptions toutes commissions. L’airain, par nécessité. Le paraclet, par désoeuvrement. L’avers crevassé, quelque enfant, diurne encore dans ses vagabondages, avec dans ce vague projet de décor, l’arbre intact de ses épaules, ses braises somnambules... De la vouloir comme jamais elle ne fut, et revenant, ne plus t’en retourner: pas même sous le fouet, les neiges repliées, sous l’âpre révulsion des baux, combien purgé de l’avenir, avec la maigreur du tranchant, compté, mais foudroyé, et libre, t’en allant avec qui va, la mémoire qui a repris ses jouets, l’aimant ses chaînes : les chevauchées algonquines sous le charnier des regards, et cette galère de connivence, quelque exorcisme de faux dompteur, sous la lumière bannie, les derniers raccourcis, le couperet des eaux basses...


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Elle a pensé « lumière », il a crié « noir ». Elle s’était pourtant préparée, démenée pour que tout soit parfait. D’un mot, il a tout saccagé. Son désir, son travail, son espoir. Elle a ramassé ses affaires, lentement, c’était la première et la dernière fois. Tristement, elle a traversé la scène, descendu les petits escaliers et remonté l’allée de velours bleu, sans un mot. Il était assis au fond, il fumait, vautré dans son fauteuil, il l’a laissée partir. Leurs regards ne se sont pas croisés. Ce n’est que lorsqu’elle a ouvert la lourde porte qu’elle a entendu les applaudissements et son rire…