lundi 6 décembre 2010

388 : dimanche 5 décembre 2010

Elle rêve encore parfois du Genevois et de ce vieil amour de Genève, de longtemps charrié par les eaux du Rhône renaissantes au sortir du lac sous les fenêtres de l’appartement au bout de la rue du Belvédère. Le belvédère donnait sur le Rhône, aux Délices. Voltaire avait baptisé « Délices » le domaine acheté là et le quartier avait gardé ce nom. Voltaire leur allait bien : un colloque consacré aux Lumières, dans une ville de l’Allemagne de l’Ouest-Nord-Est (le mur n’était pas tombé) gardant dans ses murs l’esprit et les livres d’un duc éclairé, les avait réunis. Dans la maison du bibliothécaire dramaturge, visite obligée du premier jour, leurs regards se croisaient et se recroisaient par-delà les vitrines abritant les précieuses reliures ducales. Leurs reflets confondus sans cesse, relever la tête et sourire. Le soir, évidence sans question, les places côte à côte au banquet solennel. Après, son hôtel à elle, porte close. Arrivés trop tard d’avoir marché si longtemps, enfin dépris des autres, dans les rues pavées désertes qui résonnaient après eux ; juste encore deux collègues de colloque croisés à la fin de leurs déambulations près de l’hôtel. Le Norvégien, qui l’avait dans la journée complimentée sur son élégance de Parisienne, au bras d’une grande blonde d’origine incertaine. Un certain dépit, devant la porte close, pour sa brosse à dents et ses pilules, pas glissées dans le cartable au matin quand elle avait rejoint la bibliothèque où se déroulaient les sessions. Lui logeait dans une chambre chez l’habitant dont il avait la clé. Marcher sur la pointe des pieds en entrant : il n’était pas censé être deux le locataire genevois. Dans le rêve qui ramène à sa conscience, quand elle s’en ébroue, ce si vieil amour de colloque et de Genève, il ne se passe rien d’autre que des retrouvailles d’hiver dans la gare de Plainpalais où l’homme emmitouflé l’attend.

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À cette époque, Léon n’était pas encore Léon – ou ne l’était plus tout à fait – mais comme souvent dans ces cas-là il n’en savait foutrement rien.