jeudi 12 novembre 2009

1 : jeudi 12 novembre 2009

Le rivage était rongé par le froid. Une épaisse brume s'était lentement déposée au cours de la nuit et avait effacé tous les lointains, érodé toute netteté au-delà de quelques mètres. L'air ne circulait pas, il avait été remplacé dans toute sa masse par de l'eau en suspension. Dans cette lumière grise, les vagues s'abattaient paresseusement sur la plage de galets, à quelques mètres des hommes, bottés de cuir, leur uniforme vert olive rendu brun sale par le jour livide. Alors que le bateau qui les avait conduits ici s'éloignait et qu'il était déjà trop enfoncé dans le nuage recouvrant la mer pour être toujours visible, les hommes assemblaient les pièces de leurs armes sans une parole, leurs haleines formant des phylactères vides et volatiles à la place des mots. Le bruit sec des éléments d'armurie qui s'encastrent et glissent parfaitement les uns dans les autres étaient assourdis par l'air chargé, les déclics de la butée du métal contre le métal dérangeaient à peine l'épais silence. Cette plage était la plus proche de la ville qui s'éveillait alors mollement parmi ses canaux, quelques kilomètres plus loin, et qui allait être ce jour le théâtre du début de la nouvelle guerre.