vendredi 12 août 2011

635 : jeudi 11 août 2011

À quoi reconnaît-on un Flexibule ? Eh bien, quand on le devine il est déjà trop tard.


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Rencontre XXXVI La neige était tombée toute la nuit. Aude prit une douche bien chaude, s’habilla rapidement, chaussa ses skis et descendit au village. Le froid la saisit mais elle s’élança joyeusement sur la piste. Il était tôt, elle ne croisa personne. Le village s’éveillait à peine. La boulangère l’accueillit avec un grand sourire. « Vous êtes bien matinale ! Les petits dorment, je suppose ! Tenez, vous leur donnerez ceci ! » Elle mit deux petits pains au lait pour les jumeaux et quelques biscuits pour Emeline dans un sachet. Aude prit des croissants et deux gros pains tout chauds. Elle fourra tout cela dans son sac à dos et sortit en remerciant. Penchée sur ses skis, elle ne vit pas la silhouette immobile derrière elle. « Bonjour, Aude ! Quelle surprise ! » Elle se releva lentement, dévisageant avec incrédulité celui dont elle avait reconnu la voix. Il s’approcha d’elle et l’embrassa sur les deux joues. « Que fais-tu ici ? Comment m’as-tu retrouvée ? » s’écria-t-elle un peu tendue. François se mit à rire doucement. « J’habite ici. Tu ne le savais pas ? Je vis là-haut ! » dit-il en désignant un petit chalet au milieu d’un champ. Aude tenta de calmer l’affolement qui la gagnait. Elle lui sourit et lui demanda gentiment comment il allait. « Bien. Je vais très bien depuis que je suis ici. J’écris, je lis beaucoup, je marche, je rêve…Parfois, je pense à toi. Je sais même que tu as une petite fille. Je l’ai lu dans le journal. » Aude s’appuya contre le mur, le souffle lui manquait. Il avait changé. Son visage était plus doux, moins tourmenté. Seul, son regard restait le même : insistant et quelque peu railleur. « Je suis contente que tu ailles bien. Merci pour ton livre. Il est beau… Excuse-moi, je dois partir. Porte-toi bien ! » s’exclama-t-elle en s’enfuyant. François la suivit des yeux jusqu’à ce qu’elle disparaisse. Il était heureux de l’avoir vue ! Il avait remarqué son trouble. Pensait-elle à lui quelquefois ? En tout cas, elle ne l’avait pas oublié ! Il trouva dommage qu’elle soit partie si vite. Il haussa les épaules et entra dans la boulangerie. « Ah ! Monsieur François ! Vous vous connaissez avec la petite dame ? C’est la première fois qu’ils viennent ici ! » Il ne répondit pas, hocha la tête et repartit avec son pain. Sur le trajet, il constata que son cœur n’était pas guéri. Il s’était retenu de lui donner un baiser. Elle était toujours aussi jolie et visiblement très fragile… Mathieu se réveilla en sursaut : Aude le secouait comme un prunier, criant qu’ils devaient partir, qu’il faisait trop froid, qu’elle voulait rentrer à la maison. Il se mit debout, la prit dans ses bras et la sentit trembler. Dans ses yeux, il lut l’affolement. Que s’était-il passé ? Quel fantôme avait-elle vu ? Il tenta vainement de la calmer, voulut une explication. Elle s’était murée dans son silence, attrapant rageusement son grand sac dans lequel elle fourra pêle-mêle tous leurs vêtements. Il descendit et se servit un café. Antoine était assis près de la cheminée, un bouquin à la main, Emeline sur ses genoux. Il leva la tête, dit que la petite avait faim. Mathieu paraissait las, excédé. Il ne l’entendit pas, ses poings martelaient la table de la cuisine, avec une telle force que les bols du déjeuner valsèrent et se brisèrent sur le sol. En haut de l’escalier, son lapin-doux à la main, Tristan regardait son oncle, le visage grave. Emeline se mit à pleurer.


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La table animée voit passer mets et boissons. Les langues se délient, les mots fusent, les rires résonnent. Cachées au bout, près du mur, deux mains presque tremblantes se cherchent, se frôlent, font connaissance. Elles partent discrètement dans l'émotion de la nuit à venir, sans bruit et sans qu'on ne les remarque.