C'était,
dans le salon des grands-parents un grand-oncle qui me trouvait une
ressemblance avec la femme morose en robe puce et petit chignon, visage ovale
classiquement penché dans l'ovale découpé au centre du lourd cadre
rectangulaire de bois doré. C'était ma mère dans la petite lettre legs, ou le
club des sœurs et le frère, je ne sais plus, me l'attribuant. C'était l'aimer
par une sympathie mélancolique, avec un peu d'ennui et un petit recul devant
son insignifiance comparée aux photos radieuses de sa fille ou belle-fille, mon
arrière grand-mère, et le charme et l'assurance de la généalogie de femmes qui
me précédait. C'était, un mois après le second deuil, le rendez-vous avec une
entreprise de déménagement conseillée par le garde-meuble où j'avais retenu un
petit emplacement, pour libérer l'appartement, et avoir temps et énergie de
tenter de faire place dans mon petit taudis. C'était embarquer avec les
déménageurs dans le camion où ils avaient chargé le tableau, un petit carton
contenant quelques assiettes à dessert aux roses pâles doucement ridicules que
j'avais offertes à ma mère, deux dessins d'un ancêtre dont j'aime la mini
révolte et le talent, une grande bibliothèque et la jolie petite table volante
aux longs pieds, belle copie du début 19ème d'un type Louis XVI, qui m'était
vieille amie. C'était la gentillesse bavarde des deux bonshommes, le long
périple fait avec eux pour des livraisons avant d'arriver devant le grand
hangar de ciment. C'était être à coté de moi, à côté du monde, hors de toute réalité,
dans une lassitude neutre. C'était signer des papiers en leur laissant le soin
de ranger mon dépôt. C'était fermer devant eux le verrou, après un coup d'œil
rapide buttant sur le chêne noir de la bibliothèque. C'était revenir avec eux
un peu plus d'un mois plus tard pour le transfert final. C'était le choc
incrédule en constatant l'absence du cadre et de la table. C'était comprendre
qu'un diable avait sans doute été soigneusement laissé hors de ma vue. C'était
leur tranquille déni et mon incapacité à sentir autre chose que ma culpabilité.
C'était le tenancier des lieux me disant que son assurance ne paierait rien
puisque c'était à moi de vérifier la présence des meubles et objets lors de la
fermeture, et puis me moquer de l'argent. C'était ne pas avoir le choix, monter
dans le camion où le reste avait été chargé, remercier les deux bonshommes du
mal qu'ils s'étaient donné pour hisser la bibliothèque par mon petit escalier.
C'était prévenir les sœurs. C'était leur réprobation et leur pardon. C'était me
refuser tout pardon, et regretter ce visage bien plus que je n'aurais aimé le
trouver tous les jours sur le chemin de mon regard.
mercredi 31 octobre 2012
mardi 30 octobre 2012
1006 : lundi 29 octobre 2012
Et
le résultat fut splendide : en économie marchande, on dit "c’est
donnant donnant ". Non… Qu’en pense-t-on dans la constellation
d’Ophiuchus ? « Je ne suis pas là, le 7 mars mais je viens le 7
avril ! »
----------------------
Ce
sera un retour, ou peut-être un départ. Vous allez quelque part. Vous allez
toujours quelque part.
mardi 23 octobre 2012
1005 : lundi 22 octobre 2012
Tant
pis : avec « mademoiselle » disparaîtra aussi « jeune
homme ». Si, c’est une bonne idée ; cela montre que la société a
progressé ! Dans ses écrits, surtout, on peut aussi être beaucoup moins
sage, comme l’a choisi Tiguida. Ah, aurait-on pris coutume d’agir autrement ?
lundi 22 octobre 2012
1004 : dimanche 21 octobre 2012
C'était,
à Ivry, dans la cour de l'usine, les pieds dans la neige tassée et sale de la
cour, à côté du camion, voir les deux hommes sortir des paquets, lire
l'étiquette décrivant l'intérieur, décider ou le tenter de répartir les cadeaux
entre les enfants du personnel, à l'usine, dans les ateliers et chantiers de
province, à l'aide d'une liste de noms. C'était pester quand aucun âge n'était
mentionné, pour les sexes se baser sur les prénoms... mais il y a des prénoms
androgynes, comme Claude et ceux en ique qui font la nique (pardon). C'était
les têtes qui se penchaient un instant aux fenêtres au dessus de nous, c'était
une petite joie, une respiration. C'étaient deux voitures passant le portail,
c'était la patronne lançant une plaisanterie et demandant, entre sourire et
fermeté, que je me dépêche parce que suis nécessaire. C'étaient, dans la
seconde voiture, les deux des commerciaux de province rescapés de la dernière
charrette. C'était parler un instant avec eux, c'était flottant en moi petite
rancune en pensant aux deux éliminés que j'avais reçus, fais attendre en les
faisant parler de leur ville, pour rien, les agaçant peut-être un peu, juste
pour les détendre. C'était la boite prenant poids, rachetant, gardant les
ouvriers et les intérimaires le cas échéant mais ne pouvant conserver deux
commerciaux. C'était des hommes installés, ou qui le croyaient, avec petite
maison, voitures, enfants. C'était ne pas oser se plaindre de trouver cela
pesant. C'était finalement ne plus pouvoir et démissionner. En attendant monter
dans les bureaux pour la réunion, pour passer non pas les petits gâteaux mais
presque, en fait surtout les dossiers et documents. C'était chercher du boulot.
samedi 20 octobre 2012
jeudi 18 octobre 2012
1002 : mercredi 17 octobre 2012
C'était
trouver sur une page d'album quatre photos, une sépia et trois glacées et
brillantes par delà les ans, quatre fois la fierté de ses grands-parents,
moustache fière et robes de satin noir : les trois fils, en costume marin en
leur enfance, et puis apparaissent, sur l'un après l'autre, l'uniforme
d'officier de marine (sauf pour le père, méconnaissable en grand lycéen boudeur
sur la dernière... il en manque une) et sourire avec un petit attendrissement,
que je n'aurais jamais osé quand j'étais petite gamine et qu'il était dieu tout
puissant, en jubilant de la satisfaction de celui qui était né dans le petit
logement qu'occupait dans l'arsenal la famille de son père, charpentier de marine.
mardi 16 octobre 2012
1001 : lundi 15 octobre 2012
Bon
festival ! En faisant ce vœu, on devient un être humain à part
entière : la belle bleue semble avoir quelque reproche à nous faire…
lundi 15 octobre 2012
1000 : dimanche 14 octobre 2012
Yseult,
tu m’appelles avec le cri de tes pores, tu me manques jusqu'au plus lointain de
mes chairs. Tu m’enveloppes et me suscites avec le moindre détail de ton
précipice amoureux. Et je nais dans tes creux Yseult. Je me sépare de moi-même.
Je me sépare des mots. Je prends chair et ta chair Yseult nourrit ce que je
n’aurais pas pu devenir sans toi.
dimanche 14 octobre 2012
999 : samedi 13 octobre 2012
Il
y a d'un côté l'écran, la page, l'enclos vierge; de l'autre la matière brute,
une multiplicité d'éléments épars. Au départ il s'agit d'un certain angle,
ou plutôt, d'une perspective. Ensuite dans un ensemble d'outils,
d'instruments, l'usage de toute ressource de tout moyen ou artifice qui soient
propices, et les techniques pour s'en servir. C'était l'occasion idéale pour
s'exercer, et par cet entraînement, de découvrir, explorer, et ainsi,
l'occasion de procéder à toute forme de tentative, dans ce travail liminaire,
préparatoire à autre chose, cette esquisse où tout reste à achever. Le creuset
où l'on peut tester divers procédés, les mettre à l'essai; de suivre une piste
ou de la délaisser, d'éprouver les cohérences ou incohérences de ce qui n'a pas
encore de forme, de structure. Fixé dans un entre deux, privé de l'état du
définitif, c'était le lieu où il était possible de se saisir de l'ensemble des
possibilités qui se présentaient, de s'en emparer, de les estimer, les évaluer
par le fait d'en user, sans que cela porte à conséquence d'une façon ou d'une
autre... C'était alors le lieu où l'on avait tout loisir de produire, de
supprimer, de déplacer, d'intervertir, de définir, de séparer ou de réunir,
de tester une certaine approche, ou une autre, une forme particulière
d'agencement, puis une autre; de construire, déconstruire, de transmuter,
transfigurer une réalité, d'avilir ou de sublimer, de mettre à
l'épreuve des caractéristiques de substituabilité, de transférer, de signifier
pour signifier, le tout dans un espace sans référence, non formaté,
architecture non arrêtée, lieu de l'esquisse, du transit, de l'éphémère,
territoire d'impermanence.
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C'était un anniversaire
quelconque, un regroupement partiel chez les parents. C'était les aimer tous,
et être contente d'être là dans la chaleur du clan... C'était un de ces jours où
le discours entre ce qui rodait en soi était trop étranger, trop loin de cet
univers. C'était éviter d'écouter, pour éviter de contredire. C'était regarder,
derrière la petite table chargée de bouteilles et de verres, la bibliothèque
basse, son bois blond, les vitres et panneaux entre les deux colonnes, la
perfection des proportions sages qui parlaient restauration, c'était retrouver
sa présence dans le bureau du grand père, le divan qui vous accueillait pour un
temps, les lectures nocturnes de livres tacitement déconseillés. C'était, sur
le marbre, l'éventail déployé du livre chinois et la succession de sages, leurs
costumes et attitudes subtilement variés, l'habitude de les regarder un à un
dans les longues heures d'ennui, dans un des petits fauteuils de l'appartement
parisien. C'était, devant leurs robes raffinées, le bois fruste, la vitre cassée,
l'aiguille éternellement tombée à côté de l'axe, la boussole prise sur une
jonque arraisonnée. C'était se lever, la prendre, vérifier que depuis longtemps
plus personne ne pensait à mettre un grain de riz pour le maquoui. C'était ne
pas penser que cela devait nous porter malheur.
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En
bas, longeant les jolies maisons aux toits colorés qui s’étagent sur la pente,
la chambre ouverte et coulante du fleuve réfléchit la lumière sur les pierres
alentour et sur les amoureux. Ici, le vent a de l’espace ; il balaie par grands
aplats la surface de l’eau. Et l’air merveilleux pétille et papillote en
lui-même, tout autour, comme un Prosecco vénitien (ce vin mousseux délicieux).
L’air lumineux, le vent, font du fleuve un tissu qui tour à tour se froisse,
s’imprime de motifs fugaces, s’argente et miroite. Mais le plus important
consiste dans la rencontre de cette belle atmosphère avec le visage des
amoureux. Quand l’air, fort de sa douce et tonitruante évocation de l’hiver à
venir, shampouine leurs cheveux, lave leur peau dans l’explosion tranquille de
ce jour automnal, il y a quelque chose qui plonge les amants dans une joie
profonde et assurée. C’est une sorte de restauration de la limpidité acérée du
climat de leur enfance, quand Hippolyte jouait dans la plaine, quand Yseult se
promenait dans la campagne. Là aussi, le vent vivifiant avait de l’espace. Aux
premières fraîcheurs de la saison, il portait ce goût d’un je-ne-sais-quoi
acerbe, virulent, dont la quantité discrète, au sein de la quiétude de l’été
finissant, relevait la saveur de tout le jour. C’était la promesse d’une vie
d’aventure. Cela préfigurait les épreuves dont on sort grandi. Cela voulait
dire la mort comme moteur de la vie. Et c’est bien cela que les amoureux
retrouvent sur les berges du fleuve quand ils se dirigent aimablement vers ce
petit restaurant.
samedi 13 octobre 2012
998 : vendredi 12 octobre 2012
Yseult,
aujourd'hui je suis tombé. Et la pluie. Et la nuit. Comment serais-je un père
pour Joseph? Je ne supporte pas de vivre.
vendredi 12 octobre 2012
997 : jeudi 11 octobre 2012
Ta
mère est l’écriture et le père est peut-être. L’écriture désigne le père car
elle est amoureuse de lui qui est peut-être. Elle est folle de lui qui est
peut-être. Elle est folle de lui parce qu'il est peut-être. Crois-tu ? Crois-tu
que le père qui est peut-être soit ton père ? Personne ne le dit si ce n’est
l’écriture, ta mère. Rien n’est sûr en ce domaine. Cela te divise. Comme tu
aimerais savoir ! Cette incertitude te déchire et c’est en cela qu'elle fonde
ton humanité. Ton humanité, c’est l’enfant de ta mère l’écriture amoureuse et
du père qui est peut-être. Tu as beau essayer de la conquérir, tu as beau
séduire l’écriture ta mère, elle ne se détourne pas de son amant qui est
peut-être, de celui dont elle te montre qu'il est ton père : celui qui est peut-être.
jeudi 11 octobre 2012
996 : mercredi 10 octobre 2012
Assis sur les rochers de la
jetée, Hippolyte et Yseult se tiennent la
main. La mer joue doucement dans son bleu avec l'eau de son corps. Hippolyte pose sa main sur la
nuque déliée de son amoureuse ; il la caresse et goûte ses cheveux du bout des
doigts.
mercredi 10 octobre 2012
995 : mardi 9 octobre 2012
Yseult,
je me souviens de mon nom. Il vient de la nuit des temps de l’homme, au galop,
comme un cheval superbe.
mardi 9 octobre 2012
994 : lundi 8 octobre 2012
La
vie des mille-pattes est un paradis et nous ne le savions pas, belle
météo ! L’ensemble rayonne-t-il à trois degrés Kelvin ou moins ?
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C'était
comme si l'on ne savait plus où donner du regard, tellement tout était
manifeste, montré dans un luxe et une profusion sans pareils, avec précision,
minutie et il faut le reconnaître, une certaine exhubérance, comme une
magnificience du détail ; il y avait là de l'orgueil, une force et une volonté
évidentes, pour ne pas dire une certaine détermination. Le futur comme pure ouverture, ouverture qui vous regarde
dans les yeux. Tout se concentrait cependant en une image en mouvement, un
enchaînement de gestes souples et virevoltants, l'image semblant presqu'en même
temps se dissoudre en une myriade de signes et de reflets. C'était presque
futile - sans motif, sans raison - mais ça n'en était pas moins immense, dense
et lourd. Ce n'était, après tout, qu'une sorte de parade amoureuse, avec ses
artifices, avec toute la splendeur de ses couleurs et de ses ornements, de ses
parures et de ses danses. « Derrière l'apparente vacuité des
intentions, par delà le propos qui serait celui de divertir et instruire, se
pose, semble-t-il, la question de la manipulation mentale. »
--------------------
C'était
à la fin du premier mois d'école, c'était s'entasser à l'arrière d'une
traction, celles dont les anciens se servaient pour transporter les châssis,
c'était cet éternel effort pour ne pas montrer son effarement de pensionnaire
transplantée, c'était la jubilation qui montait, c'était les chants idiots
beuglés, c'était la mélodie de certaines chansons empruntées aux carabins,
c'était découvrir la beauté du tracé de cette étrangeté, l'autoroute, c'était
contourner la cité universitaire, c'était le bras autour des épaules qui
forçait à se pencher dans les virages, c'était Orly, les voitures qui se
vidaient, c'était le grand massier sélectionnant la plus jolie des cinq
nouvelles, et bien entendu ne pas être désignée, c'était la fanfare regroupée,
c'était le pompier et d'autres airs, la fille et l'énorme gerbe, c'était notre
irruption dans l'aérogare, c'était chercher le responsable, c'était une
délégation, fanfare, fille, anciens, remettant à une hôtesse de l'air notre
bouquet pour le mariage de Farah Diba, c'était rentrer, retrouver l'atelier et
l'un des trois bourets de l'illustre ancienne.
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Il
y a cette mare sous le grand saule pleureur. Les zèbres s'y abreuvent à la
brunante. Le vent léger remue leurs crinières d'iroquois. De petits oiseaux
piaffent et volettent alentour. C'est à cette heure qu'on peut voir Elise, la mère
d'Hippolyte, se promener dans la plaine. Tandis que le buvard de la nuit boit
le jour, Elise louvoie dans l'interstice vespéral, en quête d'un lieu
convenable. Dans sa longue robe bleue, ample et jeune, où le moindre vent trouve
asile, elle semble une apparition. L'âme d’un port en quête d'une baie. Ses longs cheveux noirs disent
les nuits du large. Leurs mèches fleurent l'iode immense et dans ce corps
qu'elles dévalent déferlent les désirs remuants de la houle que rien ne put
jamais combler. Elise, verticale au cœur de ses voiles, s'avance parmi les
zèbres. Elle caresse leurs museaux. Les quadrupèdes bonhommes se laissent
faire. Ils aiment bien sentir son odeur marine, comme elle se glisse dans leurs
naseaux. Elise s'assoit sous le saule. Des larmes se font dans ses yeux. Quand
reviendra-t-elle à l'amour ? Le lieu lui échappe encore. Quand s'ancrera-t-elle
dans une baie lumineuse comme autrefois ? Et les grillons lustreront le
silence. Et les pierres auront la présence des choses précieuses. Les chemins
parmi les arbres attendront ses pas comme une patère sur le mur le manteau du
visiteur.
lundi 8 octobre 2012
993 : dimanche 7 octobre 2012
Hippolyte
et Yseult se promènent dans cette vieille ville européenne. La lumière du
soleil emplit l'espace et le couche dans les rues comme un petit enfant qu'on
met à la sieste. Tout est calme. Le premier vent frais de l’automne s'octroie
les surfaces pour dire la caresse. C’est un beau jour et les amoureux flânent à
vrai dire. C’est-à-dire qu'ils s'identifient eux-mêmes à ces caresses douces
qu'ils ont partagées la nuit dernière et ce matin. Ils glissent dans l'accord
de leur rencontre et ne cherchent rien qui ne soit l'accompagnement fondateur
de ce mouvement qui les emporte. C’est l'amour.
dimanche 7 octobre 2012
992 : samedi 6 octobre 2012
J’attends
Yseult. Elle doit me rejoindre dans quelques instants. Elle surgira dans cet
horizon intime et hasardeux qui m’inspire. Son visage comme un soleil déchirera
les imprécisions alentour. Alors non seulement je serai incarné mais l’endroit
où je me tiendrai ne sera plus ce non-lieu ondoyant mais l’endroit de la
rencontre amoureuse. Et je serai un peu abîmé. Parce qu'Yseult me met en
présence de moi-même avec une intensité telle que je me brise comme un
contenant trop plein, que je me déchire comme un drap trop tendu. Et je serai
heureux. Car, malgré cette douleur (ou grâce, en autres choses, à cette
douleur), je me sentirai vivant, terriblement vivant. Ce sommet de ma joie, je
l’atteindrai dans la conscience de son visage qui me regarde avec tendresse et
dans l’affirmation de ma croyance en la gratuité de notre amour. Je le lui
dirai. Je lui dirai que je crois que notre amour est gratuit. Je lui dirai que
nous n’avons strictement rien à payer pour lui. Je le lui dirai. Elle sourira
et m’embrassera sans doute. Prenant ma main, elle m’entraînera dehors, encore
une fois. Et je lui dirai oui.
samedi 6 octobre 2012
991 : vendredi 5 octobre 2012
Joseph
crie. Il crie parce qu'il a faim. Il a faim de son propre corps, de sa propre
parole. Un jour il sera assez fort pour nourrir seul sa faim. Aujourd'hui,
Yseult lui prête sa faim, pour lui donner de la force. Yseult peut nourrir
seule sa propre faim. Mais dans l’amour elle a décidé de la partager avec
Hippolyte, quitte à la perdre, quitte à l’abîmer ou ne plus la reconnaître.
Hippolyte aussi partage sa propre faim dans l’amour. Et c’est bien cette faim
partagée dont Joseph est une possible incarnation appelée au libre exercice de
la vie.
vendredi 5 octobre 2012
990 : jeudi 4 octobre 2012
C'était
accompagner le vieux jardinier pour ouvrir, lorsque c'était son tour, la vanne
sur le petit canal du quartier, qui venait de se remplir d'eau. C'était le
suivre le long du circuit, et avoir le droit de relever la petite cloison
métallique qui permettait de donner l'eau aux laitues, à un autre carré, ou de
remplir le caniveau du jardin de fleurs. C'était voir la petite rigole de
ciment se transformer avec un léger murmure en ruban de vie. C'était, derrière
son dos, faire flotter une brindille et la suivre en gambadant dans le soleil.
---------------------
Lentement
nous nous apprivoisons. Pardonner Hippolyte. Accepter d’être blessée et
heureuse. La lumière simple se reflète sur les meubles et dit le premier
silence dans la traîne duquel nous vivons, comme garçons et filles d’honneur
derrière la mariée d'antan.
jeudi 4 octobre 2012
989 : mercredi 3 octobre 2012
Notre
désir s’est émoussé. Tristes nous sommes. Je me sens froide. Le D.ieu me
manque. C’est-à-dire que je manque de vide. Je manque de manque. Hippolyte
m’est un horizon brumeux, inaccessible. A quoi bon tout cela ? A quoi bon ? Je
pense à Joseph qui attend dans mon ventre. Je n’ai pas le droit de me poser ces
questions.
mercredi 3 octobre 2012
988 : mardi 2 octobre 2012
L’oiseau
chante l'estompement de la nuit, le retrait de ses encres lourdes ; plus pur
qu'une idée au large, se révèle ciel d’un bleu qui fait pleurer de bonheur.
mardi 2 octobre 2012
987 : lundi 1er octobre 2012
Un
thé au Sahara (Paul Bowles) s’est
évaporé depuis longtemps, mais Passion
simple (Annie Ernaux) n’a pas encore quitté mon "sac à
livres" : le train serait-il de retour en gare d’Orsay ? Le
papier bible ne prêche pas toujours parole d’évangile…
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C'était, en la déplaçant
légèrement pour prendre un livre, vouloir que sa main ignore que le contact de
la naïade aux beaux seins ronds n'était pas comme cela aurait dû l'être celui
de l'ivoire ou de la corne, ou c'était s'amuser de cette imitation presque
parfaite, juste un peu ridicule, comme lorsque je l'avais offerte à mon père
comme un petit gag, un aveu de mon incapacité à faire mieux, mais un tribu
rendu à notre goût partagé pour les ouvrages de gaillard d'avant, les petits cuivres
d’accastillage, les chansons à hisser ou virer gueulées, merveilleusement faux
pour moi et les sœurs en soutien du baryton dont il était fier sans trop le
dire. Souvenir partagé du sous-sol de la villa de La Pérouse , des rayons sur le
mur à côté du Coq posé sur ses cales, souvenir de cette boutique lambrissée
dans laquelle nous étions descendus à Nantes, de la pénombre, des odeurs de
toile, de cordage et de goudron, souvenir de tout ce à quoi il n'avait renoncé
que tardivement, petit signe pour l'accueillir dans sa chambre bureau, avec la
carte de la rade d'Alger et ses lignes de minuscules chiffres, lorsqu'il
revenait de ses promenade le long de l'écluse.
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C’est
la nuit. Le son des choses enfle dans un cœur à côté. Il y a la tenture opaque
et les îlots traversés de pluie. C’est la nuit. Je suis heureuse. Cela me donne
du poids. Qu'attendre de plus dans ce suspens si lourd ?
lundi 1 octobre 2012
986 : dimanche 30 septembre 2012
Journée
grise, sans contraste, douce et reposante, comme si l’Histoire faisait la
sieste. La lumière amatie par le filtre des nuages… Je me sens acceptée. Le
jour me recueille. Ma forme est adéquate à mon humeur. Le petit Joseph dans mon
ventre. Une promesse inconnue prend chair. Hippolyte est content. Son travail
avance bien. J’aime à le voir préoccupé par son écriture. Son corps paraît plus
dense, plus ferme : cela m’attire.
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