lundi 30 avril 2012

877 : dimanche 29 avril 2012


Les Allusifs mènent une vie pleine et entière dans de vastes forêts de marbre.

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Jean a dit «il y a la steppe, il y a les grandes prairies, il y a la profondeur des forêts, il y a les points d'eau, il y a les hommes et les animaux qui se désaltèrent au crépuscule», il y a les miniatures, les petites voitures, le dernier souvenir des américaines aux angles aigus et lignes démesurément étirées, aux teintes mourantes et vives de chewing-gum, les petits personnages aux formes larges, rigides et arrondies de Lego, il y a les soldats de plombs et leurs successeurs en plastique, il y a les animaux sortis des moules, plus ou moins bien ébarbés, et il y a un pauvre petit hippopotame noir gisant abandonné sur les pavés à la merci des pieds de ces géants les hommes.

samedi 28 avril 2012

876 : vendredi 27 avril 2012


Chez les Garagistes chacun se compose tout entier à sa guise : une couche d’amour propre, deux petites tranches de sens de la famille, une généreuse rasade de doute socratique, un supplément d’instinct de survie. Il n’y a plus ensuite qu’à se laisser déguster.

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Si l’on osait, on dirait que Léon fait partie des vrais gens qui aiment la France, de ceux qui font un vrai travail.

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La maison est vide. Marc entend un goutte à goutte résonnant au fond du couloir, et l'écho de ses pas d'enfant cavalant à travers les pièces. Dans son esprit le papier peint est plus vif, la peinture au plafond est encore blanche et le pend pas en lambeau par endroits. Il voit encore le tapis qui recouvrait une tâche d'encre au milieu du salon et le lustre en cristal qui rayonnait sur les murs. Sa dernière visite est nostalgique et douce amère. Il passe un doigt sur le bord de la fenêtre d'où il guettait Marie lorsqu'elle revenait de la messe. Ses couettes blondes le mettait en joie, il avait six ans, douze ans, dix-huit ans et il était amoureux.

vendredi 27 avril 2012

875 : jeudi 26 avril 2012



Tu marcheras droit entre les gouttes glacées tu sens le cœur te quitter mais peu importe pauvre folle esquinte, esquinte-moi. Dans l'ascenseur elle se tape la tête contre les murs, tout et surtout la douleur physique chérie, je t'en donnerai moi des raisons de pleurer bébé, allez quoi ça arrive. Non, ça n'arrive pas, on se ne relèvera pas dix fois, les os lâcheront avant, enfin je prie pour, je vous en prie. Ne fais pas l'enfant – merde je ne veux pas grandir, ou quoi même si je suis coincée, là à l'âge des cheveux d'or quand les yeux veulent juste, juste capter les fils du soleil. Dis Ariane, dis moi que j'ai raison de croire que la nuit mangera notre innocence ; mais voilà j'ai toujours pensé les hommes meilleurs.


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Anne s'endort dans l’apaisement de l'espoir. Bertrand caresse lentement ses cheveux emmêlés. Il aime la voir ainsi, blottie dans la confiance de leurs moments ensemble, dans la chaleur de leur lit. Dehors, la pluie bat les toits d'un murmure réconfortant. Aujourd'hui le cancer n'existe pas, la maladie reste hors des murs et sur ce bout de papier, ces quelques résultats porteurs d'avenir.

jeudi 26 avril 2012

874 : mercredi 25 avril 2012


Les Joyeux de la Reine, lorsque par malchance ils ne la font pas rire, se voient condamnés à subir une infime mais fatale contorsion. C’est pleine d’une grâce intransigeante que la souveraine promène parfois à son cou quelques-uns de ses rubis aux bouffons pétris.

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Amandine est assise sur son lit, recroquevillée entre ses draps blancs mouillés de sueur, le corps en crampe. Elle ne bouge pas alors que le ciel tangue, vire du violet au noir et vibre de flashs insoutenables en écho du tonnerre. Tout à coup, sa chambre est immense et la maison si petite. La pluie résonne avec rage et ne s’apaise qu'au son de sa mère montant les escaliers. Avec elle, une lumière plus douce s'anime, tandis qu'elle s'assoie à côté d'Amandine et lui offre une tasse de lait chaud. Amandine boit et se détend. Ses draps sont changés, la lumière reste allumée et sa mère à côté d'elle.

mardi 24 avril 2012

873 : lundi 23 avril 2012


À force de broyer du noir, les Mélancolix ont les gencives qui saignent et les mâchoires qui grincent. Ce qui, à la longue, finit par leur porter sur le moral.

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Jean a dit : « il y a un bois, il y a la lumière, il y a un lac, il y a une aurore », il y a un nuage dans une flaque, il y a un reflet sur une aile d'auto, il y a les miroirs, les miroirs biseautés et décorés des cinémas des années cinquante, les vieux miroirs en deux morceaux un peu piqués dans d'anciens cadres dorés à la feuille, les miroirs à trois faces des salles de bains, les miroirs grossissants avec des spots, les miroirs déformants des foires, les miroirs à main au manche en ivoire, les miroirs de sac, les miroirs de sorcière qui me font rêver, le long corps étendu sur le manche d'un miroir égyptien, les miroirs concaves d'Archimède.

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Voici le sujet : comment passer l’éponge, après avoir subi un vol à main armée ? Bien que dockers, les protagonistes sont "de petits bourgeois" (de leur propre avis). Mais le message le plus surprenant du film est celui-ci : les vols à main armée font partie de la vie (tout autant que les anniversaires de mariage, les grillades brûlées et les voyages en Tanzanie).

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Elle apparaît dans le couloir et l'univers se teinte en violet. Marc s'approche et plonge dans ses yeux, dans les tempêtes en attente au fond de deux lacs d'un bleu impossible et lumineux. Elle sourie sans s'arrêter. Marc hésite, bafouille... L'instant passe.

lundi 23 avril 2012

872 : dimanche 22 avril 2012


Pas un jour ne pas passe sans que je pense à toi. Tout me rappelle à ton existence. Cette planète est si petite et fuir ne m'éloignera jamais de ta peau, de tes yeux, de ton odeur. Fuir m'a juste éloigné de ton cœur.

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Elle s'agite, se retourne. Marc la regarde et veille la fièvre, attendant la fraîcheur de l'aube.

dimanche 22 avril 2012

871 : samedi 21 avril 2012


Les Queues-de-Cerise accumulent des faux airs de ne pas y toucher, mais pourtant y touchent sans cesse, méprisent les petits et envient les grands - à une échelle qui échappe seulement à l’œil nu du commun belligérant.

samedi 21 avril 2012

870 : vendredi 20 avril 2012


À la faveur de la campagne électorale était revenue dans l’esprit de Léon cette question qui depuis longtemps le taraudait: de bonnes résolutions, même nombreuses, valaient-elles mieux qu’une mauvaise révolution ?

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Elle oublie. Ses yeux s'éveillent, accèdent à la lumière et laissent derrière eux les ombres agités des songes secouant ses nuits. Une porte se ferme, comme un voile de tulle léger ondulant sous la brise et occultant le passé : la journée peut commencer.

vendredi 20 avril 2012

869 : jeudi 19 avril 2012


Tout est de leur faute, de leur très grande faute : les pluies que retiennent les nuages cruels au-dessus des champs assoiffés, les femmes infidèles et les amis pleurer, les trous de mémoire en direct aux heures de grande écoute, le calvaire des uns, la calvitie des autres, l’Empire, la fin de l’Empire, l’exil de l’Empereur, le pire, le moins pire, le pas-trop-grave-mais-quand- même et même le meilleur – parce qu’il ne saurait durer. Les Coupables sont, à la demande, coupables de tout. Ils sont joignables à la même adresse que les Cascadeurs.

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Jean a dit «il y a l'amitié, il y a le soleil, il y a les maçons, il y a la douceur des abris, il y a la rue», et il y a l'art de la rue, il y a les graphes, il y a les fresques, il y a les trompe l'oeil, il y a Edgar Mueller et il y a Ernest Pignon-Ernest, il y a l'entraide, il y a les luttes, il y a au coin de la rue deux hommes qui se font la courte échelle pour peindre des slogans dont on ne sait ce qu'ils seront, dont on sait seulement qu'ils seront contestataires, comme misérablement les graffitis imprécis à leurs pieds figurés, comme ils le sont eux-mêmes faute d'être d'os et de chair.

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Ceux du village qui se trouvaient dans la rue à cet instant là levèrent tous simultanément la tête vers le ciel. Une ligne invisible et pourtant d’une incroyable netteté le partageait e, deux parties. Ligne qui passait à la verticale des maisons, à la hauteur où le ciel feint d’exister. D’un côté de cette limite, s’étendait un vert sombre, un vert d’étang, profond et pourtant habité de clartés, de l’autre un violet tout aussi dense, lui aussi traversé d’une sourde lumière. Le soleil quant à lui se trouvait partagé en son milieu et seule une légère nuance dans les deux couleurs trahissait sa présence. Dans sa chambre, Damouce, dépitée, lâcha la flûte de roseau qu’elle tenait jusqu’alors entre ses mains. "Zut et rezut ! En bouchant tous les trous, ça ne donne rien !"

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Il est épuisé de son absence, de ce silence en écho du vide de leurs nuits. Il aimerait retrouver l'espérance, l'envie, autre chose. Elle ne reviendra pas, apprendre la vie autrement lui semble un terrifiant parcours en bord de falaise.

jeudi 19 avril 2012

868 : mercredi 18 avril 2012

Si c’est un petit peu, ça n’est pas du tout. Si c’est à peu(r) près, ça n’existe pas. Je vous laisse ces mondes de demi-mesures, fossoyeurs des demi-vies. Il y aura bien assez de la mort pour atténuer, alors si déjà tu dois vivre, laisse-toi croire que tu peux rester. Entier.


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Ce soir-là, Annie s'était piquée le doigt en recousant un bouton. Assise en tailleur sur le canapé en cuir de ses parents, elle avait gardé ses chaussures malgré les remontrances de sa mère. Ses cheveux bruns clairs tombaient en cascades fines le long de ses épaules, de ses bras, de son dos, comme un manteau soyeux et vivant. Elle tenait dans sa main un manteau en velours et s'appliquait à la tâche afin de lui donner une seconde vie. Lorsque l'aiguille avait heurté sa veine, une goutte de sang s'était lentement formée. Elle l'avait contemplé quelques instants, hypnotisée, avant de le lécher en riant.

mercredi 18 avril 2012

867 : mardi 17 avril 2012

Les Pieds Devant prennent la vie de côté. Ils jugent que c’est plus prudent.

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Franckie a souvent raison, même si quand il me parle parfois je décroche, je ne suis plus le fil invisible de ses idées; son cerveau me fait penser à un gouffre. Il me dit des trucs qui font mal, des trucs que tu veux jamais trop entendre, mais tu le sais c'est là au fond. Je n'ai jamais honte de lui dire à quelle point on se sent seul, si lui aussi ça lui fait ça, de regarder les autres en coin d'un atoll à un autre ; mais quand est-ce qu'on se touche bordel. Il connaît parce qu'on est un peu pareil mais lui il a réussi à aller un peu plus en avant, je suis heureuse dans un sens, c'est une touche d'espoir bleutée sur l'aquarelle de la vie. Mais ça me demande trop d'effort tu sais Franck, j'aimerai mieux garder tout cette énergie pour mourir, en regardant la mer.

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Elle sentait venir l'allégresse de l'oubli tandis que ses paupières se fermaient sur les brûlures du jour. Un sommeil pesant s'annonçait, des heures vides à ne pas exister, à flotter dans le rien fugitif du repos.

mardi 17 avril 2012

866 : lundi 16 avril 2012

Jean a dit « il y a l'air, le sourire, une source fraîche, la chanson, les mots » et les livres – je ne sais plus qui a parlé du vice impuni de la lecture, jolie expression qui est ressassée avec gourmandise, un peu courte peut-être, mais jolie, il y a la lecture devoir, la lecture documentation, la lecture délassement, la lecture parce qu'on en parle, la lecture nourricière, la lecture poison, la lecture machinale, la lecture euphorisante, il y a les mots, leur son, leur goût, leur combinaison, et oui aussi c'est vrai leur sens, il y a la lecture parce que je sais pas faire autre chose, la lecture parce que je ne sais pas lire, la lecture parce que je n'abandonne pas, la lecture parce que c'est par courtoisie qu'on se soucie de ce que voulait l'auteur, ou par curiosité, ou avec une surprise humiliée, ou avec gratitude mais on passe outre, la lecturophage.

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Trois euros donnés de très bon cœur à un mendiant, et tant pis pour le dessert que je ne mangerai pas demain.

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Tu crois avoir tout traversé, tout pleuré, tout séché. Subitement la claque arrive - bien plus tard. Il n'y a plus rien à geindre, plus rien à vouloir. Je tiédis. Les images s'évaporent. Soyons fous, dans un mois rien n'existera plus. Rien ne fut. C'est dans ta tête. Rien ne brûle, même plus les ventricules. Allons créer de la mémoire, si nous n'avons plus rien à souffrir.

lundi 16 avril 2012

865 : dimanche 15 avril 2012

Les Métonymix ont souvent le ventre plus gros que les yeux.

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Annie Veleaude est en mission. Ses yeux noirs se rétrécissent à en disparaitre au milieu de son visage boursoufflé. Un peu essoufflée, un peu rouge, encore une fois elle peste contre l'inexistence d'ascenseur, encore une fois elle regrette les excès de la veille. Avant-hier les madeleines de sa voisine, hier une boîte de chocolat envoyée par un client. Annie Veleaude arrive enfin au dernier étage. Il faut qu'elle trouve sa stagiaire, il faut, surtout, qu'elle trouve une raison d'être mécontente. Annie a faim de la terreur qu'elle sème au fil du couloir, des petites jeunes tremblante lui donnant de l'importance. Elle sourie, toujours, et susurre ses mots terribles d'une voix chantante.

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Excavation On a creusé la Terre des mois durant. D’épaisses tranchées qui nous mèneraient par-dessus les vallées. Johnnie disait toujours, les yeux brillants, avec sa bouche édentée de vieux cowboy, qu’il ne fallait pas s’en faire, que ça serait bientôt fini. Il disait que là-bas, les hommes s’habillent d’or et les femmes sont belles comme des sirènes. J’avais fini par sourire de sa naïveté, il me faisait de la peine autant qu’il me donnait espoir. Comment lui dire que là-bas aussi, sous le brûlant des soleils, les hommes sont seuls. Parfois je m’imaginais que Johnnie avait connu le Klondike, il faisait partie de ces êtres sans âges qui sont probablement soit des fantômes soit des anges condamnés à errer çà et là. Peut-être qu’il était la réincarnation de Jack London, je n’ai jamais trop su, mais je crois que s’il avait compris ce que cela signifiait il aurait été un fervent socialiste. Il faisait partie de ces humains qui, agissant égoïstement dans le seul but de satisfaire leurs désirs, finissent toujours par semer le bien autour d’eux. Parlez-moi d’une malédiction.

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Il y a parfois des silences entre eux. L'air devient assourdissant et le tympan de Georges panique et bourdonne. Il la regarde telle une mouche prise au piège, se demande comment s'en sortir. Elle le fixe de ses yeux délavés, à table souvent, laissant un filet de jus rouge couler sur la commissure de ses lèvres tandis qu'elle tient une flûte de champagne de sa main gantée. Puis, elle éclate de rire en secouant ses boucles blond-jaune. Tout à coup Georges renait, un peu inquiet et en vertige, sans tout à fait comprendre.

dimanche 15 avril 2012

864 : samedi 14 avril 2012

Dans la rue, tout était immobile. La pluie qui, quelques instants auparavant, tombait en gouttelettes fines mais rapprochées, parsemait le ciel de transparences figées qu’aucun souffle de vent ne faisait trembler. Hommes femmes et enfants étaient tout aussi immobiles, fixés dans la position dans laquelle les avait saisis le « Stop ! » de Damouce. Quelque part, très loin de là, assis au centre du monde, un humain observant la scène, y trouvait une raison supplémentaire d’excommunier GIG et tous ceux qui osaient prononcer son patronyme en son entier. Ayant proféré solennellement son anathème ce personnage signa tout aussi solennellement une pétition contre la pensée unique et sortit dans la rue se hisser au premier rang d’une manifestation pour la libération d’un prêtre tibétain. Damouce, ignorant tout de l’art subtil de la confection des nœuds coulants et autres entraves habilement tressées, lança un joyeux « gigue ! » Aussitôt, chacun reprit sa danse en poursuivant le pas entamé comme si tout ou rien n’était vrai.

samedi 14 avril 2012

863 : vendredi 13 avril 2012

Dans le ventre de leur maman, les Impétrants ourdissent de sombres complots et tirent des plans sur la comète. Et pour quoi, au bout du compte ? - s’interrogent par devers eux les Empétrés.

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Oublier ou éblouir, longtemps que Léon avait choisi.

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Jean a dit «il y a les sources cachées, il y a l'herbe, il y a un verre d'eau fraîche, il y a les ceps torturées en sage rangées, il y a le pressoir, il y a un verre de rosé sur la plage en sortant de l'eau», Jean avait soif, il y a aussi les boites de fer qui s'ouvrent sur des parfums, il y a les crus de thé, il y a les mélanges pour chaque humeur, il y a le thé ambré à l'orange et puis il y a les sacs de grains de café d'Ethiopie, du Guatemala, du Pérou, le robusta et l'arabica, l'arabusta, le cahouah, le qahvé, le caffè et le café, et il y a les chèvres amatrices, il y a Moka, et il y a eu Leonhard Rauwolf, les bateaux et les négociants, il y a les plantations, il y a les cultivateurs et le gigantisme, il y a les îles atlantiques et le Bourbon pointu de la Réunion, il y a la torréfaction, il y a la civilisation des cafés, il y a Vienne, il y a l'Italie mais il y a Paris, il y a les lavasses et le caffè streto, il y a le café moulu, il y a les moulins électriques, il y a les merveilleux et fatigants moulins en bois et il y en a eu un peint en bleu pale que je regrette tant, il y a les machines à café pour couper le travail et le café lyophilisé, il y a le parfum merveilleux qui remplit la bouche et y demeure, mais c'est rare.

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"Il est vrai que l'on parle volontiers d'une certaine ère de la communication. Première remarque : je ne sais pas si les gens communiquent vraiment plus qu'avant. Plus qu'une société dite de l'image, on pourrait, comme certains l'ont fait, parler d'une société de l'information, mais au fond, et ce serait une seconde remarque, l'information n'a pas fondamentalement changé de nature ; ce qui a changé, ce sont ses vitesses, ses supports, ses modes de circulation. Il semble que ce soit idem avec la communication; la question de la finalité se pose toujours..."

vendredi 13 avril 2012

862 : jeudi 12 avril 2012

Devant ses yeux, les mots se brouillent pour ne devenir qu'une flaque floue et illisible, un entre-lac de noir sur du blanc écorné et vieilli. Sa main tremble des larmes retenues. Pendant si longtemps elle a affronté les jours, l'âme sèche et le cœur en désarroi. Aujourd'hui la vérité s'offre à elle, usée et vide de sens. Pourtant, malgré sa tristesse, un sentiment de paix envahie son chagrin. Tout ça pour ça, tout ça pour rien, mais au moins, elle sait.

jeudi 12 avril 2012

861 : mercredi 11 avril 2012

Les Glaviateurs ont dans les yeux le bleu qui manque au ciel de leurs périls.

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Une chose est certaine: le personnage est toujours plus qu'une fiction. Prisme, le personnage est image et être de langage. Il est porte-voix, lieu possible du discours, en un certain sens, il concentre du signe, et se rattache à une somme de stéréotypes, du moderne à l'archaïque; ainsi le personnage de roman, élément sémiotique du récit, figure énonciatrice, représente-t-il en quelque sorte une instance abstraite, élément d'âme désincarné. Il véhicule des structures, du sens, des faits, des idées, se rattachant finalement à ce qui fait du sujet l'unique, corps d'expérience, corps de mémoire. Le personnage concentre en lui-même une part de réel et une part de virtuel; distorsion du réel, le personnage est l'ouverture sur des réalités autres que lui-même, tout en étant lui-même image, image de l'autre et du même, qui participe d'une réalité symbolique, qui existe, de fait, dans l'imaginaire; ne serait-ce que dans l'imaginaire du lecteur. Ressemblance, dissemblance, le personnage est lui-même une résonance, manque et système, masque et totem, en ce qu'il montre aussi bien qu'en ce qu'il dissimule.

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Les Survivants dansent entre eux sur les escarpes terrestres, ils dansent, la mort comme unique quête. Tu nais Survivant sans jamais le devenir, c'est la rage de la vie qui coule dans tes veines. Le Survivant n'offre au monde que la haine dont il transpire, il caresse de sa flamme ce monde qui n'aurait pas dû le garder. Ils aimeraient certainement mourir, mais à la vie ils sont enchainés, la Terre sans eux jamais ne respire.

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Marc en est épuisé d'avance. Sans bouger, il imagine et son âme s'endort.

mercredi 11 avril 2012

860 : mardi 10 avril 2012

Jean a dit « il y a le soleil, il y a la pluie, il y a le printemps, il y a donc les fleurs nées des trois, il y a les ruisseaux au centre des vieilles rues, il y a les caniveaux », il y a les glycines, l'obélia, les cerisiers et prunus et il y a les fleurs des chapeaux, il y a les fleurs à coudre, les fleurs voyantes, les matières minables qui tentent de se transfigurer, il y a des merveilles faîtes sur commande, il y a encore quelques mains abîmées, des yeux tirés, des brodeuses, des tulles épais, des passementiers, des rubans, il y a un petit oiseau bleu sur mon chapeau vert.

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La petite main potelée saisit un caillou, l’approcha lentement de ses lèvres en le tenant entre ses doigts comme on le ferait d'un œuf de pigeon, y déposa un baiser mouillé avant de le sucer comme on l’aurait fait d’une glace, puis s’efforça de le faire tenir en équilibre au sommet d’une pile d’une dizaine d’autres cailloux. Damouce était aux anges. L’échelle pour monter au ciel grandissait.

mardi 10 avril 2012

859 : lundi 9 avril 2012

C’est instructif et intéressant, non ? Maintenons les prix littéraires, mais demandons aux jurés de les attribuer à d’autres auteurs (j’ai bien écrit "auteurs") que les grandes maisons d’édition. Ouvrons-nous d’autres horizons !

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Marie attend sur le quai. La gare se réveille à peine à petits bruits assourdis, et arbore encore des rideaux de fers baissés. Quelques pigeons se sont perdus devant les vitrines fermées et picorent les restes de la veille, avant qu'ils ne soient balayés par les agents de maintenance. Bientôt le soleil, bientôt la foule.

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Quand la faim les taraude, les Ventriloques entendent des voix. Ainsi va leur appétit mystique.

lundi 9 avril 2012

858 : dimanche 8 avril 2012

Les heures avaient déroulé leur fil de joie autour de leurs corps rompus. Ils ne bougeaient pas, savourant le silence de l'après, tandis que leurs peaux se reconnaissaient encore en lumière l'un de l'autre.

dimanche 8 avril 2012

857 : samedi 7 avril 2012

Avril étaient nos jours blancs : la lumière froide y perçait jusqu'à nous et transperçait durement nos rétines. Les ombres y étaient plus tranchées, en contrastes d'un blanc d'un éblouissant insupportable qui aplatissait les envies et exacerbait l'ennui. C'était une excuse parmi d'autres pour éviter les heures et sombrer dans la nuit : les couleurs y reprenaient forme, nous étions enveloppés de jaune et d'ocres virant au sépia. Les yeux grands ouverts, nous vivions, enfin, en attendant la fin du gel et l'allongement des jours.

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Qui a pu croire que le Sphinx possédait une réponse à ses propres questions ? Bien au contraire, il se les posait d’abord à lui-même. Des énigmes de plus en plus nombreuses le travaillaient sans cesse, le secouaient de migraines et lançaient dans sa chair des coups de fusain acérés. Pas un pèlerin, jamais, ne daigna panser ses blessures. Pas un touriste égaré ne lui apporta jamais un semblant de lumière. Comment ne pas les jeter du haut de la falaise ? Et puis, avec le temps, il s’étiola, se rabougrit et se recroquevilla dans l’ombre comme un petit animal malade et perclus de mystères. Un jour vint un homme, un homme d’une grande sagesse et d’un grand courage. Thésée se pencha sur lui du haut de sa tendresse. Mais il était trop tard depuis longtemps.

samedi 7 avril 2012

856 : vendredi 6 avril 2012

Charles fut ravi d’apprendre que Léon, plus habitué au punch qu’au raide bien de chez nous, s’était réveillé avec une de ces putains de casquette...

vendredi 6 avril 2012

855 : jeudi 5 avril 2012

Les Enfantassés se revendent au mètre cube sur les marchés de village. Ils forment des blocs de malheur recyclés parfois fendus d’un sourire lorsque l’artiste y a pensé.

jeudi 5 avril 2012

854 : mercredi 4 avril 2012

Bien sûr, Jean ne pouvait se douter du vent. Du froid glacial qui engouffrerait de part et d'autre et envelopperait son âme de l'oubli des sens.

mercredi 4 avril 2012

853 : mardi 3 avril 2012

Dans les gares où plus personne n’attend plus personne, on croise encore, de-ci de-là, quelques Petits-Encombrants qui sifflent d’un bout à l’autre du quai.

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Lorsque la porte de la voiture claqua, trois paires de pieds s’élancèrent par le jardin à la rencontre des visiteurs.

mardi 3 avril 2012

852 : lundi 2 avril 2012

Jean a dit «il y a le soleil, l'odeur des fleurs, le ciel, la terre, le paradis et l'enfer» et il y a les souterrains, les canalisations, un maillage enterré, il y a les trappes, les bouches, il y a eu des dessinateurs de modèles, le souvenir d'anciennes monnaies, les géométries, quelques efflorescences, il y a eu l'imagination, il y a eu les moules, il y a eu, il y a encore les fonderies, il y a la coulée, il y a les alliages, il y a la fonte à cœur noir ou à cœur blanc, la fonte blanche, il y a les fontes grises, à graphite lamellaire, la courante, et puis la fonte ductile avec du graphite en nodules et j'apprends les matrices ferritique, perlitique, austénitique et bainitique, et puis la fonte à graphite intermédiaire vermiculaire, il y a les fontes d'acier, d'aluminium ou les fontes d'inox qui n'en sont pas, et il y a Wikipédia qui a été à l’œuvre dans les lignes d'avant, il y a eu les Royaumes Combattants, les celtes, il y a les forges mais restons dans la fonte, il y a les Fonderies de Chaumont, il y a eu, il doit continuer à y avoir les Fonderies du Poitou, il y a les Fonderies Collignon et l'héritier, il y a près du pont du Gard Artfonte-les-fonderies-d'Uzès, les Fonderies de Marly, et puis tant pis il y a aussi les forges de Syam, les Perry, les Jobez-Monnier et il y a Pierre Bergounioux, il y aussi les ferrailleurs.

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Le petit geste du jour… Voilà, c’est fait ! Osons le reconnaître : l’école (l’apprentissage) se prolonge sur trente ans, aujourd’hui et en durera quarante, demain (fin XXIe). Car la vie est une école ; car l’école (apprendre et apprécier cela) est une belle forme de vie.

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Le soleil commence à peine à inonder la cours de l'immeuble où des voix s'élèvent. Sophie lutte contre la sortie du sommeil, elle aimerait se lever pour fermer les volets et prétendre qu'un nouveau jour n'est pas encore né, qu'il n'y a personne en bas à chanter en arrosant les bac. Son corps la retient sous les draps: il y a tant d'heure d'éveil à rattraper, tant de jours en violence à s'obliger à rester debout, pour terminer son projet. Tout ça pour ça, tout ça pour rien. Sophie se retourne vers le mur et cache sa tête sous l'oreiller.

lundi 2 avril 2012

851 : dimanche 1er avril 2012

Les Poissons d’A. sont des Poissons d’Avril devenus paranoïaques par peur de dire la vérité.

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Damouce était une petite fille pareille à toutes celles de son âge, si on ne prêtait pas attention à l'étrange différence de clarté qui régnait dans chacun de ses yeux.

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La fatigue est telle qu'une brûlure marque ses yeux, chaque clignement est un soulagement trop bref appelant au sommeil. Il lui faut continuer encore, quelques heures en souriant, la tête droite et le cou gracieux. Ses pieds montent en douleur dans ses talons aiguilles, ses genoux vacillent. Ensuite, douze heure d'inexistence, dans des draps frais qu'elle remarquera à peine.

dimanche 1 avril 2012

850 : samedi 31 mars 2012

Les Mythiques ont des tics mais n’ont pas de tiques. Ils ont du chien pourtant – c’est les Olympiennes qui le disent - mais ignorent le chiendent alors que les Chiendents, eux, n’ont ni chien ni dents et, comme un malheur n’arrive jamais seul, ne croient plus aux mythes. Voilà qui peut sembler confus, mais c’est à cause des mots. Les Fossoyeurs sont même persuadés, qu’au fond, on peut largement trouver pire.