Un
thé au Sahara (Paul Bowles) s’est
évaporé depuis longtemps, mais Passion
simple (Annie Ernaux) n’a pas encore quitté mon "sac à
livres" : le train serait-il de retour en gare d’Orsay ? Le
papier bible ne prêche pas toujours parole d’évangile…
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C'était, en la déplaçant
légèrement pour prendre un livre, vouloir que sa main ignore que le contact de
la naïade aux beaux seins ronds n'était pas comme cela aurait dû l'être celui
de l'ivoire ou de la corne, ou c'était s'amuser de cette imitation presque
parfaite, juste un peu ridicule, comme lorsque je l'avais offerte à mon père
comme un petit gag, un aveu de mon incapacité à faire mieux, mais un tribu
rendu à notre goût partagé pour les ouvrages de gaillard d'avant, les petits cuivres
d’accastillage, les chansons à hisser ou virer gueulées, merveilleusement faux
pour moi et les sœurs en soutien du baryton dont il était fier sans trop le
dire. Souvenir partagé du sous-sol de la villa de La Pérouse , des rayons sur le
mur à côté du Coq posé sur ses cales, souvenir de cette boutique lambrissée
dans laquelle nous étions descendus à Nantes, de la pénombre, des odeurs de
toile, de cordage et de goudron, souvenir de tout ce à quoi il n'avait renoncé
que tardivement, petit signe pour l'accueillir dans sa chambre bureau, avec la
carte de la rade d'Alger et ses lignes de minuscules chiffres, lorsqu'il
revenait de ses promenade le long de l'écluse.
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C’est
la nuit. Le son des choses enfle dans un cœur à côté. Il y a la tenture opaque
et les îlots traversés de pluie. C’est la nuit. Je suis heureuse. Cela me donne
du poids. Qu'attendre de plus dans ce suspens si lourd ?