C'était,
à Ivry, dans la cour de l'usine, les pieds dans la neige tassée et sale de la
cour, à côté du camion, voir les deux hommes sortir des paquets, lire
l'étiquette décrivant l'intérieur, décider ou le tenter de répartir les cadeaux
entre les enfants du personnel, à l'usine, dans les ateliers et chantiers de
province, à l'aide d'une liste de noms. C'était pester quand aucun âge n'était
mentionné, pour les sexes se baser sur les prénoms... mais il y a des prénoms
androgynes, comme Claude et ceux en ique qui font la nique (pardon). C'était
les têtes qui se penchaient un instant aux fenêtres au dessus de nous, c'était
une petite joie, une respiration. C'étaient deux voitures passant le portail,
c'était la patronne lançant une plaisanterie et demandant, entre sourire et
fermeté, que je me dépêche parce que suis nécessaire. C'étaient, dans la
seconde voiture, les deux des commerciaux de province rescapés de la dernière
charrette. C'était parler un instant avec eux, c'était flottant en moi petite
rancune en pensant aux deux éliminés que j'avais reçus, fais attendre en les
faisant parler de leur ville, pour rien, les agaçant peut-être un peu, juste
pour les détendre. C'était la boite prenant poids, rachetant, gardant les
ouvriers et les intérimaires le cas échéant mais ne pouvant conserver deux
commerciaux. C'était des hommes installés, ou qui le croyaient, avec petite
maison, voitures, enfants. C'était ne pas oser se plaindre de trouver cela
pesant. C'était finalement ne plus pouvoir et démissionner. En attendant monter
dans les bureaux pour la réunion, pour passer non pas les petits gâteaux mais
presque, en fait surtout les dossiers et documents. C'était chercher du boulot.