mercredi 31 octobre 2012

1007 : mardi 30 octobre 2012


C'était, dans le salon des grands-parents un grand-oncle qui me trouvait une ressemblance avec la femme morose en robe puce et petit chignon, visage ovale classiquement penché dans l'ovale découpé au centre du lourd cadre rectangulaire de bois doré. C'était ma mère dans la petite lettre legs, ou le club des sœurs et le frère, je ne sais plus, me l'attribuant. C'était l'aimer par une sympathie mélancolique, avec un peu d'ennui et un petit recul devant son insignifiance comparée aux photos radieuses de sa fille ou belle-fille, mon arrière grand-mère, et le charme et l'assurance de la généalogie de femmes qui me précédait. C'était, un mois après le second deuil, le rendez-vous avec une entreprise de déménagement conseillée par le garde-meuble où j'avais retenu un petit emplacement, pour libérer l'appartement, et avoir temps et énergie de tenter de faire place dans mon petit taudis. C'était embarquer avec les déménageurs dans le camion où ils avaient chargé le tableau, un petit carton contenant quelques assiettes à dessert aux roses pâles doucement ridicules que j'avais offertes à ma mère, deux dessins d'un ancêtre dont j'aime la mini révolte et le talent, une grande bibliothèque et la jolie petite table volante aux longs pieds, belle copie du début 19ème d'un type Louis XVI, qui m'était vieille amie. C'était la gentillesse bavarde des deux bonshommes, le long périple fait avec eux pour des livraisons avant d'arriver devant le grand hangar de ciment. C'était être à coté de moi, à côté du monde, hors de toute réalité, dans une lassitude neutre. C'était signer des papiers en leur laissant le soin de ranger mon dépôt. C'était fermer devant eux le verrou, après un coup d'œil rapide buttant sur le chêne noir de la bibliothèque. C'était revenir avec eux un peu plus d'un mois plus tard pour le transfert final. C'était le choc incrédule en constatant l'absence du cadre et de la table. C'était comprendre qu'un diable avait sans doute été soigneusement laissé hors de ma vue. C'était leur tranquille déni et mon incapacité à sentir autre chose que ma culpabilité. C'était le tenancier des lieux me disant que son assurance ne paierait rien puisque c'était à moi de vérifier la présence des meubles et objets lors de la fermeture, et puis me moquer de l'argent. C'était ne pas avoir le choix, monter dans le camion où le reste avait été chargé, remercier les deux bonshommes du mal qu'ils s'étaient donné pour hisser la bibliothèque par mon petit escalier. C'était prévenir les sœurs. C'était leur réprobation et leur pardon. C'était me refuser tout pardon, et regretter ce visage bien plus que je n'aurais aimé le trouver tous les jours sur le chemin de mon regard.