J'ai rêvé, endormie ou non, d'un nouveau jour, que ma vie allait recommencer, que je saurai ce qu'il fallait faire, que j'aimerai les gens rencontrés, tous, et avec raison, que j'aurai des idées, et que je les suivrai, que je réussirai pas trop facilement mais infailliblement tout ce que je tenterai, que je ne verrai que visages tranquillement graves ou doucement souriants, que chaque mot échangé serait discret et essentiel, et même que je serai utile. Je crois qu'ensuite je me suis un peu enfoncée dans un vrai sommeil profond, chaud, quiet de toute l'absence. Longtemps, je pense, ou pendant un temps sans durée. Et, comme toujours, j'en suis tombée dans le réveil, en un sursaut ; j'ai levé les yeux vers la petite fenêtre là-haut. N'y ai vu que blancheur morne ; j'ai eu du mal à reconnaître le jour de mon rêve. Ai sorti mes jambes des draps, ai posé mes pieds à terre, suis entrée dans ce qui m'attendait.
Des grains de sable se posent sur sa fatigue. A 75 ans, Jeanne s'est allongée sur la plage et regarde la mer vagabonder. Elle a enfin retiré son manteau de culpabilité, sa journée s'est centrée sur elle-même et rien d'autre. Elle sent le poids des ans partir avec le reflux de l'eau. Un sourire aux lèvres, elle attend quelques moments encore, avant de se lever vers le reste de sa vie.