Ils ont les yeux plein de soleil, les oreilles remplies de vent, le sourire au goût de sel et les cheveux ensablés. Après une journée en pleine mer, la tribu remonte la grève en riant. Les gestes sont fatigués mais heureux.
Rencontre XXXI François ne cessait de ressasser le message que lui avait envoyé Lucas sur son portable. « J’ai un cadeau pour toi. Puissante, décapotable et presque neuve. Passe quand tu veux. J’ai des nouvelles de ton ex. Salut ! » Cela faisait des mois qu’il n’avait plus de nouvelles. Il avait pensé que Lucas l’avait oublié. Pour lui, tout ça n’avait plus d’importance ! Il avait quitté Paris pour s’installer à la montagne, seul avec ses poèmes. Son recueil se vendait bien, il en avait trois autres chez l’imprimeur. Il alternait l’écriture et son travail de traducteur. Cela lui convenait. Il ne supportait plus personne ! Il gagnait sa vie maintenant et les longues marches en forêt lui faisaient du bien. Son chalet était confortable, il s’y sentait en paix. Il n’avait toutefois pas oublié Aude. Elle restait présente à son esprit. Il pensait à elle souvent, regrettant amèrement le mal qu’il lui avait fait. Il avait lu tous ses livres, même le dernier qui l’avait profondément troublé. Ainsi, elle était allée en Afrique ! Il se souvenait de son désir de voyages, son étrange facilité à décrire des pays qu’elle ne connaissait pas ! Avait-elle seulement lu ses poèmes ? Savait-elle combien il avait changé ? Il avait voulu lui écrire, lui dire qu’il l’aimait toujours… Il avait renoncé. Il avait décidé de la laisser tranquille, conscient de sa folie, de son incapacité à partager. La rage l’avait quitté, il n’y avait plus en lui qu’un immense dégoût…Il avait fui la ville pour ça, craignant que sa folie l’emporte… Ici, tout était plus simple, les montagnards parlaient peu, la vie était rude mais la beauté environnante lui faisait du bien. Il hésita à appeler Lucas : quel imbécile ! Pas un mot, pas une visite, rien de puis si longtemps ! Qu’espérait-il ? Il n’en avait plus rien à faire de sa voiture ! Il se déplaçait à pieds et la marche lui avait appris à se détacher du monde. Face à lui-même, il avait analysé ses erreurs et compris qui il était : un être dur, tourmenté, invivable, qui avait une seule passion : transmettre par les mots ses chimères… Il décrocha son téléphone et appela Lucas. Son ami répondit joyeusement. Il l’écouta bavarder, lui expliqua qu’il n’avait plus besoin de voiture, le laissa s’étonner, puis lui demanda simplement des nouvelles de Aude. Ce que son ami lui raconta le laissa tout à coup sans voix. Il raccrocha. L’ancienne douleur dans sa tête se réveilla subitement. Aude avait un enfant, une petite fille, elle s’appelait Emeline, c’était dans le journal ce matin.