jeudi 28 janvier 2010

77 : mercredi 27 janvier 2010

Madame Guichard brodait dans son salon, dans la pauvre lumière qui entrait par la fenêtre, filtrée par l'étroitesse de la rue, quand sa servante est venue l'appeler « Madame, Monsieur vous demande de venir dans la chambre jaune, le Monsieur d'Annonay est fou, il va faire des saletés et ils sont tous excités, ils vous attendent ». « Ne soyez pas sotte, ma fille, Monsieur de Montgolfier est un savant ». Elle s'est précipitée dans l'escalier, avec un semblant de digne retenue, son étroite robe de mousseline ondulant le long de ses jambes. Les trois hommes se sont retournés – son mari « venez ma chère, nous vous attendions » – l'ainé de ses correspondants, se redressant après avoir allumé un tas de papier dans une grand bassin (et elle a eu un moment d'inquiétude pour la marqueterie de la table), un curieux sac de taffetas blanc en main : « je crois que, cette fois, j'ai trouvé » - et elle a ouvert de grands yeux, pendant qu'ils s'exclamaient, se tapaient sur l'épaule, en voyant cette chose s'élever lentement, et flotter dans le rayon de soleil qui pénétrait par la porte fenêtre. Puis elle est redescendue commander le dîner, veiller au couvert, laissant leur ami noter de sa grande belle écriture, cette « expérience » qui semblait lui donner une fierté exaltée. Et le soir son mari, très fier de la renommée qui devait, selon lui, en rejaillir sur eux et leur maison, soliloquait en se déshabillant, cherchant par quel signe commémorer ce qu'il appelait cet événement. Elle a souri, amusée et heureuse de leur découvrir ce reste de juvénilité, et s'est enfoncée dans son oreiller et le sommeil.

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L'économie est libérale, la société est libérale ou prétend l'être, la morale est libérale et il faut qu'elle le soit, ce sont sur ces bases théoriques que s'est lancée ma petite affaire, leader sur l'ensemble de son secteur, car moins chère que toute la concurrence, pour des résultats de même niveau, et d'ailleurs la concurrence enrage mais n'est pas capable de s'aligner sur mes tarifs. Notez bien que je n'inclue pas l'Église dans la liste des concurrents, car j'exerce en libéral, avec un statut d'auto-entrepreneur pour être exact, et je n'imagine pas que les médecins exerçant en cabinet considèrent les hôpitaux comme leurs concurrents. Encore que je soupçonne tout ce corps médical de me considérer quant à lui comme un concurrent, ce qui n'est pas réciproque. De mon côté, l'affaire est dans le miracle, tout ce qui est causes désespérées ou accomplissement d'exploits impossibles. Il y a bien sûr les grands classiques, retour de l'être aimé, réussite aux examens, guérisons de maux en tous genres, mais j'essaie de me positionner sur des créneaux innovants (encore que je conserve une importante part de mes activités dans tout ce qui est traitement des maladies, surtout mentales), parce que j'ai une stratégie de modernité, de renouvellement de l'image de la profession, et pour tout dire des objectifs de cool voire de hype. Une jalon dans la carrière, ce serait une couverture presse pour ma boutique dans un magazine de fashionistas. Parmi mes spécialités les plus demandées dernièrement, il y a donner le pouvoir à quelqu'un de léviter une fois, quand il le désire et pendant quelques secondes. Beaucoup demandé par des hommes qui veulent impressionner au milieu d'un premier rendez-vous amoureux, plutôt au cours du deuxième pour être exact. Cette prestation m'a valu un beau petit succès. Mon projet de départ était d'ouvrir un cabinet médical non agréé, mais au vu de certains précédents judiciaires qu'a subis le corps de métier, j'ai préférer éviter. Les gens veulent la liberté de choisir mais pas les risques qui vont avec, et ça, ce sont les faux médecins qui le payent. J'ai préféré jouer sur le même terrain que la société, prudence et libéralisme.