La rue était en travaux, on avait enlevé la couche d'asphalte et pas encore remis une neuve, le vent balayait de larges volutes de poussière en plein Paris. La poussière qui vole par brassées dans le soleil, et le souvenir d'Istanbul quand elle était jeune, où alors et peut-être toujours de la poussière soufflée dans la lumière, jeune pas tout à fait dix-huit ans et donc l'obligation d'officiellement demander l'autorisation à ses parents pour un voyage jusqu'en Turquie, avec lui un peu plus âgé qu'elle, à peine mais une voiture et le droit de la conduire à travers l'Europe jusqu'à Istanbul, voir le Bosphore, les coupoles et la vie là-bas, la poussière dans le soleil jusqu'au cœur de la très grande ville. Les souvenirs d'autres voyages en marchant sur le trottoir, le long de la rue parisienne sans asphalte, où sont stationnés des engins de chantier, le Canada vingt ans plus tard avec sa fille, des sapins, des centaines de kilomètres de sapins, avec des petites villes, des lacs. Seule avec sa fille avec qui elle vivait seule, qu'elle avait eue avec un autre que le garçon de ses presque dix-huit ans, à travers l'Europe en voiture jusqu'à Istanbul. Il était parti la fille encore fillette, malgré la gentillesse et le beau sourire de la mère et l'enfant adorable, où alors à cause de tout ça, subitement parti ailleurs. La vie seule avec sa fille, puis seule toute seule maintenant que sa fille a dépassé l'âge qu'elle avait à Istanbul avec celui qui aurait pu lui donner des enfants, après qu'on avait vu ensemble la poussière voler dans la lumière des rues qui mènent au Bosphore. Lumière et poussière les mêmes que celles de cette rue parisienne où elle marche aujourd'hui, seule, un bouquet de fleurs à la main, le premier qu'on lui offre depuis des années. La rue en chantier plus belle privée d'asphalte, emplie de lumière et de poussière, baignée de son beau sourire et de sa gentillesse tenant un bouquet de fleurs.