Puis la mer de nuages s'est ouverte au dessus de l'océan, comme on rejoignait le rivage. C'était le Labrador qu'on survolait, au dessus duquel on piquait vers le sud et la Nouvelle-Angleterre. Le jour tombait lentement et la lumière devenue plus faible assombrissait les territoires que nous voyions. La surface de la contrée semblait légèrement mais nerveusement accidentée, acérée d'innombrables crêtes rocheuses de faible hauteur, et la végétation rase. Lumière faible et paysage rêche, la vue communique la sensation de froid, qu'on imagine être le froid du Labrador, puisque que le nom lui même dit d'emblée le Nord, l'immensité du Nord, vaste comme une allégorie, comme un dieu transcendant qui serait descendu sur Terre, mais pas à la manière d'un Messie, à celle d'un Titan. En poursuivant le survol vers le sud, on aborde l'estuaire du Saint-Laurent, qui a taille de mer contrairement à tous les estuaires européens - ses berges sont rivages océaniques. Au centre de cet estuaire est posée une île allongée, Anticosti. Elle semble verte et déserte. Elle n'est pas déserte, peut-être verte, peu peuplée certainement ; paysage de froid et de Nord toujours au travers de l'infime voile brumeux, long rocher contre l'océan sur les flancs duquel sont charriés depuis les Grands Lacs toutes les eaux du monde. À la suite immédiate de l'estuaire c'est la Gaspésie puis le Nouveau Brunswick, aucune ville perceptible, elles doivent être concentrées ailleurs. Ici, ce ne semble être que du territoire sauvage, dur, majestueux, interminable.