jeudi 7 janvier 2010

56 : mercredi 6 janvier 2010

Lorsqu'il arriva le lendemain dans son local de travail au sous-sol, il s'assit comme à son habitude derrière la table et commença à attendre la fin des deux minutes qui restaient avant neuf heures et l'arrivée automatique du courrier à enregistrer. Quelques secondes plus tard, il se produisit un événement très inattendu : un homme, portant une veste ornée au revers gauche du logo de la société, entra dans la pièce et lui tendit un document. Il saisit la lettre imprimée en répondant au bonjour formel de celui qui la lui remettait. Il était nommément et sur le champ convoqué auprès du Responsable de Mission des Services Généraux, M. Rampon, dans son bureau du septième étage, accessible par l'ascenseur K. L'homme qui lui avait transmis la lettre lui indiqua qu'il était agent polyvalent et qu'il le remplacerait à son poste le temps de son entrevue avec M. Rampon. Il quitta le local, emprunta le couloir puis l'escalier menant à la sortie du bâtiment qu'il contourna jusqu'à l'entrée principale et ses larges portes vitrées automatiques. Ce n'était que la troisième fois qu'il entrait dans le vaste hall d'accueil panoptique, la dernière en date avait eu lieu lors de son premier jour de travail dans la société, lorsqu'une jeune femme du Service des Ressources Humaines, une autre que celle rencontrée pour son entretien d'embauche, l'y avait accueilli avant de l'accompagner jusqu'à son sous-sol. Il se présenta à l'hôtesse d'accueil dont le poste était au centre du hall, sous la lumière zénithale, et se fit indiquer l'ascenseur K. La personne qu'il croisa au septième étage dès sa sortie de l'ascenseur lui fit "Ah oui, vous voilà. Suivez-moi." Ils marchèrent tous deux sans un mot le long du couloir jusqu'à une porte sur la gauche, bleue outremer comme toutes celles vues à cet étage, et sur laquelle une petite plaque indique "D. RAMPON - Responsable de Mission". Son escorte frappe, attend quelques secondes qu'un signe de voix vienne de derrière la porte pour signifier l'autorisation qu'elle s'ouvre. L'escorte entrebâille et énonce au bureau que l'agent d'enregistrement du courrier vient d'arriver. "Qu'il entre", répond le bureau par l'entrebâillement.

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Le Voyage de Jean-Guy (3/7) C'est aussi grâce à son sérieux dans le travail, son assiduité, sa ponctualité aussi, que Jean-Guy obtint cette année-là ce qui demeurera malheureusement pour toujours le rôle de sa vie. Je ne me rappelle plus très bien des circonstances. Peut-être que Mimille n'avait pas appris son texte une fois de trop, ou qu'il était encore arrivé en retard, ou trop saoul, ou les deux... Toujours est-il que le premier rôle fut confisqué à notre vedette habituelle et confié dans la minute à l'étonné et étonnant Jean-Guy. Chacun prit d'abord cela comme un remerciement de la part du metteur en scène, une récompense pour ces quinze ans de laborieux et loyaux services à occuper docilement les fonctions d'huissier, de guichetier, de premier commissaire, de deuxième commissaire... Mais à la surprise générale, puis à la satisfaction de tous ensuite, Jean-Guy campait un Monsieur Perrichon parfaitement crédible et très amusant. Chacune de ses répliques fusaient sans une once de second degré, toujours sur un ton imperturbable qui ajoutait encore à l'absurde grossièreté de Perrichon. Les répétitions allaient bon train et Jean-Guy, en prenant une nouvelle dimension sur scène, devenait aussi un autre homme en coulisse. On le trouvait affable avec toutes et tous. Il blaguait derrière le rideau, chahutait Mireille avant qu'elle n'entre en scène, en un mot, il s'ouvrait. Bien sûr, il restait l'homme discret que nous connaissions. Jean-Guy refusait toujours le verre de rosé d'après répétition mais il le faisait désormais avec une franchise amusée, sans cette gêne qui tordait son visage auparavant.