mardi 26 janvier 2010

75 : lundi 25 janvier 2010

J'ai aimé les rentrées des classes à Saint Do, quand nous avions droit, les grandes de première, à nous regrouper sous et sur le vieux figuier, presque rampant, avec son tronc et ses grosses branches aussi épais et durs que cylindres de pierre, plus solides que les fausses rambardes de bois en ciment qui s'écaillaient dans les coins du parc, et dans et sous le figuier, en continuant les conversations de la veille ou des jours précédents dans la nuit, près des gloriettes, au bout des jardins du Mourillon ou de la Mitre, pendant que les plus jolies ou populaires dansaient, ou chez Bouchara où nos mères nous escortaient pour choisir les écossais de nos jupes plissées, nous regardons les petites qui courent, s'embrassent, se disputent, nous testons à petites phrases codées les nouvelles, et surtout nous mordons, déchirons et laissons fondre les dernières figues blanches, toutes cafies à force de nous attendre, et puis, en silence, en dessous, nous avons un peu peur, un peu désir de ce que l'année nous réserve.


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J'ai pu identifier deux raisons principales à ma curiosité pour les faits divers. Une assez classique bien que potentiellement honteuse sur le plan intellectuel, et une beaucoup moins ordinaire, plus honteuse certainement que la première, qui engage des défaillances plus mentales qu'intellectuelles. La première raison tient simplement à mon goût pour les anecdotes réelles, qui ne peut hélas exclure une probable fascination, mêlée de répugnance, pour le sordide. Je ne saurais tout à fait l'expliquer, ni beaucoup la défendre. Du point de vue de mes exigences intellectuelles, je condamne largement ma propre pente en cette direction. Mais il est vrai qu'en général, lorsqu'un événement véritable semble être tout droit sorti d'un roman noir, j'en suis assez réjoui, tout en étant épouvanté pour les victimes, s'il y en a - je pense que les lecteurs de romans policiers et les amateurs de films noirs, dont je suis, comprennent bien ceci. L'appellation de "faits divers" dit bien le statut quasi indigne de cette activité de presse, ce sont les articles et les brèves que les rédactions qui les traitent, celles de journaux que l'on soupçonne généralement de faible noblesse, fourrent là à défaut de leur trouver une catégorie bien identifiée, et correctement honorable. Ni politique, ni économique, ni culturelle, ni scientifique ni technologique, même pas sportive, même pas parmi les "faits de sociétés", autre catégorie au contenu plastique. La défaillance intellectuelle propre aux faits divers est très bien mise à jour lorsque l'on désigne des événements par le terme de "faits divers", sans référer pour autant à l'emplacement qui leur serait octroyé dans un journal, elle s'expose mieux encore lorsque l'on emploie l'expression au singulier, un "fait divers" - alors, c'est un peu comme si lors d'un déménagement, quelqu'un rangeait tout ce que contient son logement dans des cartons portant tous l'étiquette "choses". Toutefois, en l'absence de cette défaillance intellectuelle, de grandes œuvres littéraires et cinématographiques n'auraient jamais vu le jour, In cold Blood de Truman Capote par exemple. Bien que j'en ai annoncé l'existence, je ne dirai rien de l'autre raison de ma curiosité pour la rubrique des faits divers.