vendredi 29 avril 2011

532 : jeudi 28 avril 2011

Entendu en salle des profs : « T’aurais vu la tête qu’ils ont fait quand je leur ai expliqué (et pourtant c’était du basique, du pur basique mais même le basique aujourd’hui ça passe plus, même le basique !) que Léon, le nom du personnage du texte sur lequel je les faisais bosser, c’était un choix de la part de l’auteur, et même un choix super réfléchi, et puis balèze quoi, osé comme on n’ose guère l’imaginer, parce que Léon, c’est quoi sinon l’accent mis sur le on (là, je te dis pas, la mine qu’ils faisaient !), la victoire du pronom sur le prénom, et celui-ci entendu non plus comme ce qui pré-céderait le nom, mais ce qui le remplacerait (tu me suis ?...) et, last but not least, l’engloutissement de la notion de héros et même d’individualité par l’affirmation de l’indéfini, autrement dit la volonté d’installer un processus dialectique où l’identité serait à la fois affirmée et abolie par le terme qui la désigne, doublé d’un bouleversement linguistique, avec non plus seulement le traditionnel duo signifiant/signifié, mais à l’intérieur de celui-ci (et ça c’est absolument génial !) une sorte de bombe à retardement susceptible de réduire le signifié en miettes… »


----------------------


C’était frissonner de cette climatisation qui rendait, le matin, l’air du dedans plus chaud que celui du dehors ; ne plus savoir, par ce décalage de température, où ni quand l’on se trouvait, pendant une fraction de seconde, et aimer cette perte, le temps d’un soupir avant de revenir à la réalité du clavier, de l’écran, et des feuilles de schémas à organiser où se perdre était un autre long soupir.


----------------------


Et d'approcher le tableau devant la fenêtre, de l'orienter à la lumière, de le faire tanguer à bout de bras, de souffler sur les aplats de matière, sur les accidents de forme, de raser la toile d'un œil expert, de la sentir, de la renifler presque, de la toucher, délicatement, d'examiner son doigt, encore, juste après. En vain. Il fallut se rendre à l'évidence : les couleurs avaient disparu !


----------------------


Le salon de la Lune La Lune tient salon tous les mercredis. Mais elle n’est pas snob et tout le monde est invité. Il faut seulement trouver un endroit où elle soit visible. Pas dans les villes. On s’assied et on attend en silence. Des branches craquent, des grenouilles chantent. La nuit gagne du terrain. Quelqu’un chuchote, un autre s’efforce de le faire taire. Est-ce qu’on a peur ? Peut-être, mais un peu seulement.


----------------------


Ses pas se pressent. A la sortie du métro, se battre contre la pluie fine et éviter les flaques, aller d'arbres en abri-bus pour rester au sec. Elle vérifie sa tenue, s'arrête brièvement pour remettre du gloss. Plus que quelques pas, un coin de rue à tourner avant de passer devant la librairie. Parfois elle s'arrête, en général elle s'arrange pour y faire ses achats, mais des livres, elle n'en achète pas souvent. Maintenant elle en offre. Elle ralentit doucement, sent chaque goutte minuscule sur sa tête, et passe nonchalamment devant la devanture. Du coin de l'oeil, elle surveille, elle ne sait jamais, parfois il relève la tête et lui fait un signe de la main. Elle passe, puis se presse à nouveau, court presque jusqu'à la station suivante... Elle s'engouffre dans le métro un peu essoufflée, en manque d'air, en manque d'audace. Un jour elle osera, peut-être, entrer et plonger dans ses yeux profonds, oser un sourire un peu plus appuyé... Arriver à la fermeture, et lui proposer d'aller boire un verre. Un jour elle osera ce risque, celui qu'il dise oui comme non, un jour elle devra sortir du rêve et avancer dans la réalité. En attendant elle s'adosse contre la vitre, ferme les yeux et soupire en attendant demain.