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Qu'elle est froide, cette eau qui monte jusqu'à mi-cuisse ! Quelques centimètre en plus et je pilerais net. Inquiet, j'aimerais que ça s'arrête. J'hésiterais quelques secondes, tourner les pieds serait encore faisable, rejoindre la plage ouais, et rester sec du torse. Au niveau du nombril une ligne invisible se dessinerait et serrerait comme une ceinture, et quand cette putain de ligne serait immergée, une petite voix piaillerait au fond de mon bide que je ne pourrais plus ressortir, jamais. L'impression de devoir faire gaffe, de rester immobile en infusant jusqu'au nombril. Ne plus avancer pour ne pas s'enfoncer davantage. Cette impression m'a sauté à la gorge pendant le rêve et persiste avec un goût acide depuis mon réveil. Je me demande ce que Lucile va en penser, les femmes sont tellement intuitives, elles. J'aimerai savoir comment elle trouve mon rêve, qu'elle sorte une de ses phrases définitives. Souvent ce que l'un termine, l'autre le recommence. Dans le fond, rêver n'est jamais une bonne chose.
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Quand il pleut, elle lâche sa poupée et s'élance pour tromper la chaleur sous les gouttes. Ses nattes virevoltent en cadence alors qu'elle danse. Les bras tendus, les doigts écartés, son chant ravi m'entoure d'une joie innocente et simple.
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Elle racontait à Sacha comment parfois elle s’était sentie gagnée par le chagrin en quelques secondes, à l’écoute d’une parole qui ne lui était pas adressée, à la vue d’une image extérieure diffusée par son téléviseur. C’était fulgurant. Elle ne savait pas ce qui la surprenait le plus, de la rapidité à laquelle les larmes jaillissaient ou de l’intensité de sa peine face à ce qui ne semblait pourtant pas la concerner. Sacha Matoue était foncièrement optimiste, et si elle comprenait Delphine Meurizé, elle était bien décidée à lui faire abandonner ses idées noires. Delphine avait déjà renoncé à ses nom et prénom. Ça ne pouvait pas être beaucoup plus difficile tout de même !