mercredi 20 avril 2011

523 : mardi 19 avril 2011

La taxinomie du désastre Aujourd'hui c’est le premier jour du printemps, je m’en suis souvenu dès que j’ai ouvert les volets, tôt le matin, sur un soleil acide. En préparant mon café, j’ai réfléchi à des célébrations appropriées : une fois de plus l’étau se resserrait. Déjà hier soir la Lune avait marqué la venue de l’équinoxe avec un disque géant où fourmillaient les lapins. Et les machines aveugles s'étaient tues. Mais de tout cela j’avais été averti la veille, par un message secret que j’avais décrypté sans allumer la lumière, tous volets fermés comme mes paupières de marbre. Je savais les naufrages attendus et les épiphanies détournées. Alors, ouvrant les bras, j’ai tout laissé aller.


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Peu de chances qu’un jour Léon s’exclamât « Emma ! »…


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Le cimetière de Montmartre écrasé de soleil (petite halte chez les Utrillo), puis la montée, des villas d'un autre temps, cossues, silencieuses, des jardins déjà en fleur, comme dérobés, paraissant à l'abandon de tant vrais, des œils-de-bœuf ouvrant sur un "passé présent" si opalin qu'on le voudrait en vain sans contrats ni références, lierre et vigne vierge montant à l'assaut des murs, pigeons et touristes (une fraction de la deuxième catégorie appartenant au sens figuré à la première...), quelques bons vieux troquets noyés parmi les pièges à gogos, des peintres et portraitistes sur la place hors d'âge (les appliqués, les véreux, les flamboyants, les doués, les âpres au gain, se chamaillant, s'interpellant, se confondant), des escaliers à perdre haleine, la cohue de toujours, des boutiques de faux souvenirs que la mémoire rendra vrais un jour, des lithos de Montmartre "made in China", des ruelles que des fantômes ne lassent pas de hanter, ceux de Jean-Baptiste Clément, d'Apollinaire, des gars du Bateau-Lavoir, des communards, de Jeannot Marais, de Poulbot et de ses créatures, de Clouzot, de La Goulue, des théâtres de poche, des boutiques et des créateurs de mode délicieusement ou altièrement canaille, des librairies, des galeries et des artisans d'art, ou tout court, solidement bruts de décoffrage ou suavement sophistiqués, mais réussissant à (presque) toujours éviter l'insupportable côté bobo qui prend si souvent le pas ailleurs, des petits métiers que l'on croyait perdus, des bars où l'on peut, avec un peu de chance, croiser à toute heure des tronches de légende, les cafés branchouilles de la rue des Abesses (beurk ! - mais il y en a de bien plus "potables" en montant un peu, vers Tholozé, Burcq, Ravignan), le Studio 28 se rappelant à mon bon souvenir, la descente par Lepic, Caulaincourt et Damrémont, baguettes "tradition" dans une main, "2666" fièrement dans l'autre (en poche, cadeau pour mon neveu, moi j'ai l'authentique, le tatoué, celui qui demande des aptitudes en haltérophilie pour le soulever... rsrsrs), la pénombre de la chambre, le retour pour de vrai, "back home" après presque dix semaines dans un "ailleurs" littéralement ailleurs, et heureux de l'être...

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C’était déléguer, en une heure de réunion, se défaire du poids d’un dossier, en confier l’entière responsabilité et en ressentir, physiquement, dans les épaules et le cou, le soulagement, immédiat. Prendre un café, longuement, en regardant le soleil se déplacer sans en avoir l’air, dans la rue.