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Au XXe siècle, les tempos lents s’appelaient des slows. On les écoutait remplir les pistes, on attendait. On dansait sur place en attendant. On s’élançait vers la fin du tempo. Ça fonctionnait, on s’assemblait par paire et on dansait. Sur place, plus lentement que le tempo. Le slow s’arrêtait, on continuait. On dansait très lentement sur du rock, de la house, de la pop, de la techno. Le mixage se faisait dans les têtes, il ralentissait tous les rythmes. On n’écoutait plus… Aujourd’hui, on vit le son à fond. On écoute avec les rotules, les omoplates, l’intestin grêle. On ondule sur les banquettes, imperceptiblement. On vit le son, à fond. De l’intérieur, presque immobile. On est discrédité.
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En dépit des recommandations de ses voisins, Marc est monté sur son toit une lance à la main et asperge lui-même les tuiles d'anti-mousse. Campé dans ses bottes, il se gausse des inquiets en bas et s'imagine pisser à la façon des géants. L'air est calme, le vent s'est tu aussi ne craint-il pas de retour de vent, c'est que ces produits là, faut pas rigoler avec. Il s'amuse à regarder le paysage en Gullivers tout puissant, Georgette qui étend son linge, la camionnette du boucher qui fait des zig-zag... et Olive, sa femme, folâtrant derrière un buisson avec ce connard de notaire. Marc pousse un hurlement d'enragé, glisse et perd le contrôle de sa lance. Le jet d'antimousse fait des ronds artistique avant de menacer les curieux encore en bas. Quelques cris sont poussés, la foule s'écarte. Marc freine sa chute comme il peut de ses deux mains avant de tomber lamentablement dans sa haie de buis. Sa jambe craque, il hurle de plus belle. Le curé passe en jean et col roulé, appelle les urgences de son portable, convoque Olive à confesse et va boire un coup au café en soupirant ironiquement. Il a beau essayer, ses ouailles n'en font qu'a leur tête.
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« Bonjour ! Vous êtes bien au 06… . Veuillez ne pas laisser de message. Nous sommes indisponibles actuellement et le serons longtemps. Inutile de nous rappeler, nous ne répondrons plus. La ligne sera coupée. Amis ou connaissances, ne soyez pas inquiets, respectez notre choix. Inutile de nous chercher, nous avons disparu. Portez-vous bien. Soyez heureux. » Après la stupéfaction, l’incrédulité, il secoua son portable, composa à nouveau le numéro et entendit le même message. Il s’assit sur le banc le plus proche, déboutonna sa veste, inspira profondément, maîtrisant à peine le tremblement de ses mains. Puis il réfléchit. Etait-ce une blague ? Dans ce cas, elle était de fort mauvais goût ! Fallait-il s’inquiéter, remuer ciel et terre pour les retrouver, alerter la police ? Pourtant, c’était bien la voix de Martin. Il n’avait pas l’air effrayé, non, simplement déterminé, oui, c’est ça, ça ressemblait à un message définitif, une sorte d’adieu. Mais la voix n’était ni triste ni angoissée. Que se passait-il ? Il recomposa le numéro pour s’assurer qu’il n’avait pas rêvé. Pas de doute, Martin, d’une voix ferme, débitait son message ! Ce qu’il n’avait pas remarqué lui sauta aux oreilles : c’était Françoise qui concluait, de sa voix chantante de fille du midi. Donc, ils étaient ensemble ! Ca sonnait comme une annonce, presque comme un défi ! Qu’est-ce que cela signifiait ? Il appela les autres, un par un, cela lui prit plus d’une heure mais chacun confirma. Le plus étrange, c’est qu’aucun d’entre eux ne semblait s’inquiéter. Ils riaient, se moquaient de lui, lui conseillaient d’aller boire un verre. Ce qu’il fit, sur le champ ! Il se sentit un peu mieux et décida d’aller à leur domicile. Dans le métro, il se surprit à compter les minutes : pourvu qu’il n’arrive pas trop tard ! Il grimpa les escaliers quatre à quatre, appuya de toutes ses forces sur la sonnette. Rien ! Pas un bruit derrière la porte. Il redescendit, fit une entrée fracassante chez la concierge qui lui expliqua qu’ils étaient partis, « oui, oui, partis, définitivement ! Quand ? Hier soir ! Ils n’ont rien dit ? Ils n’ont pas laissé de lettre ? Non, bien sûr que non ! Une adresse ? Quelque chose ? Non ! Puisque je vous dis qu’ils sont partis ! Ils avaient l’air heureux, vous savez, ne vous inquiétez pas ! » Incapable de se raisonner, il se précipita au bureau de Martin. La secrétaire le regarda, étonnée, et le raccompagna jusqu’à la porte car Monsieur Martin « ne travaille plus ici depuis une semaine ». Déboussolé, il alla au cabinet de Françoise où il fut reçu par un homme affable qui lui raconta qu’il avait pris ses fonctions en début de semaine, « en remplacement d’une femme médecin que beaucoup de patients regrettent. » Dans les heures qui suivirent, il se rendit à la librairie où Martin achetait régulièrement des ouvrages d’art, au petit restaurant où ils se retrouvaient de temps en temps, à la piscine où Françoise allait régulièrement faire des longueurs après son travail, au jardin public, à la poste, au supermarché où ils se croisaient souvent, au cinéma qu’ils affectionnaient particulièrement. Personne ne les avait vus. Il finit par rentrer chez lui, affreusement malheureux, avec un mal de tête épouvantable. Il dormit huit heures, se leva hébété, ne sachant pas ce qu’il faisait là, dans une maison qui n’était pas la sienne, avec à ses côtés une femme qu’il ne connaissait pas. « Bonjour, Martin ! As-tu bien dormi ? », lui lança-t-elle en ébouriffant ses cheveux.