jeudi 23 décembre 2010

405 : mercredi 22 décembre 2010

Un détail longtemps chiffonna Léon : pourquoi diable monsieur William avait-il cru nécessaire d’emporter son parapluie par une si belle soirée d’août ?

---------------------


C’était imiter en tout point la journée de la veille, le travail en moins, dans des espaces de plus en plus désertés par les commerciaux et les productifs, mais moins qu’ils ne le seraient la semaine suivante, imaginait-on sans se représenter pour autant ces lieux entièrement déserts, comme on imaginait pas le boulevard périphérique vidé de ses véhicules.


---------------------


Il était massif, aussi massif que riche, c'est ce qu'on savait de lui en l'abordant, et donc qu'il était puissant. Forcément. Il était là, borne vers lequel tous se tournaient, le voulant ou non. On aurait dû le détester, ou le craindre, ou le maudire, ou le flatter, ou au contraire (pas forcément d'ailleurs) vouloir attirer son regard, le garder, se frayer une place à sa suite. Et, toujours, il faisait face. Il ne cherchait pas à plaire. Il regardait. Il appréciait, découvrait en chacun une petite trace de beauté, ou d'intelligence, ou de charme et, un temps, il le mettait en évidence. Il semblait parfois, souvent, venir vers vous, avec simplicité. On en venait, certains en venaient, à le juger simple, bienveillant mais malléable, peut-être légèrement creux – cela bien entendu on ne le disait pas. D'autres soulignaient que, pour saisir avec une telle perfection des personnalités diverses, y répondre, il possédait évidemment de multiples facettes, et, comme on ne pouvait le soupçonner de frivolité, d'inconséquence, un cerveau puissant, une grande capacité d'assimilation, sans doute une riche vie intérieure. On ne savait pas son âge. C'est insensiblement, lentement, que les ans l'attaquèrent, et on fut surpris, un jour, de s'apercevoir qu'il marchait plus mal, qu'il semblait avoir perdu un peu de son gigantisme, de son éclat, de celui que nous tirions de lui. À sa mort on découvrit qu'il tenait un journal, et on en attendit avec impatience, curiosité, un peu de crainte d'être déçus, de le lire. On jalousa, pour cela aussi, son héritier, et on insista pour qu'il le publie.


---------------------


La fabrique de paragraphes s’est beaucoup automatisée ces dernières années : désormais, un seul ouvrier - qui est souvent une ouvrière – suffit par ligne de production. Il est loin le temps des équipes en 3X8.


---------------------


Engagement Elle s’engage toujours sur des coups de cœur, presque sans réfléchir. Elle ne le regrette jamais. C’est son cœur qui prend la décision, qui la guide. Puis, à chaque fois, elle ressent une sorte d’exaltation assortie d’un tout petit instant de panique. Et c’est à ce moment-là qu’elle doute. Cela ne concerne pas son engagement, non ! Elle s’effraie d’elle-même, de cette propension à tenter le diable, à se projeter toujours plus loin. Elle sait aussi qu’elle ira jusqu’au bout, que ses facultés seront mises à rude épreuve, qu’elle aura des moments de colère, de détresse, qu’elle se sentira toute petite face à la multitude des problèmes. Peu importe, le cœur l’emporte sur la raison. Pour elle, c’est ça, la passion : se lancer à corps perdu dans une tâche trop lourde et la mener à bien, avec ses défauts, ses faiblesses, sa volonté, son désir d’échange et de rencontre, son besoin de faire naître le sourire, de capter les regards. Elle n’a jamais été déçue. Elle prend la mesure de ce qui l’attend une fois sa décision prise. Mais elle n’oublie pas qu’elle est sans cesse sur un fil, le vide au-dessous d’elle, la tête levée vers le ciel.