Je…
je ne sais plus quand… je ne sais plus où… je ne sais plus quoi… De mes pieds à
mon ventre, je deviens glace frissonnante quand mes neurones s’échauffent. Le
battement contre la porte s’accélère, le tic tac résiste et je suis entre les
deux un élastique au bord de la rupture. La femme a croisé les bras, elle
attend qu’il se passe quelque chose. L’homme acier fait un pas, son nez me
touche presque, va-t-il me renifler ? Tic… tac… temps suspendu, et le bam
bam contre le bois répond non, ça continue, pas de temps mort ! Mort,
mord, je suis mordue par la peur, peur de quoi, d’eux, de moi, de rien, ce
n’est pas la peur de quelque chose, c’est la Peur avec un grand P, celle qui
surgit sans prévenir et qui bouscule tout. Le métal sent la peur, celle de mes
aisselles qui raconte que je suis un animal tétanisé par son instinct des
profondeurs. Je sais que dans le noir, au fond du trou où je suis acculée, au
bout de l’impasse, en haut du précipice au bord duquel je penche, il y a un
monstre pervers qui tient entre ses mains mes boyaux et mon cœur. Mon cœur se
rétrécit, il n’ose plus se battre, et j’abdique devant la nuée de mouches
bleues qui d’une aile peut me pousser sous l’eau, contre le mur, dans le vide
où j’hurlerai...
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/ Nuit du 27 au 28 / Dans ce rêve, il y a un bloc gigantesque de
poisson, un ver embarqué, un pied endolori, des visages du passé pas vus
depuis des lustres, des chansons fredonnées, Ville d’Avray, ville de
l’enfance. Dans un premier morceau de rêve, je chante faux, mais ce
n’est pas si grave, je chante et c’est tout ce qui importe. D'ailleurs,
je suis heureuse. Plus tard, un petit ver blanc a élu logis dans mon
orteil. La douleur irradie telle une engelure. Prenant état du sinistre,
je crois d’abord à une verrue, mais apercevant la tête d’un de ses
confrères qui dodeline à mes pieds, j’établis un lien avec le corps non
indentifié, à présent entendu étranger, qui s’est endormi à mon seuil.
Je l’extrais avec une pince à épiler. Il s’agite et finit par libérer
l’épiderme. Un petit tunnel vacant occupe à présent le doigt. Plus tard
encore d’autres images : une vielle connaissance rencontrée lors de mes
années d’étude en Métiers du livre à qui je souris gênée et tente de
répondre à son coup d’oeil par un regard indifférent. En vrai, dans la
vie qui s’oppose à la nuit, j’envie sa trajectoire professionnelle sans
la connaître vraiment. Un instant après, nous sommes réunis en nombre -
pas elle - autour d’une large table. On apporte à un des convives un
agglomérat de cubes de ce qui paraît être du poisson. Il y a en a pour
minimum une dizaine de personnes, mais c’est à lui seul qu’est proposé
le plat. Au premier abord, rien ne nous surprend, puis nous trouvons la
taille quelque peu étonnante et jalousons cette faveur massive.