La voilà qui se dirige vers moi, d’un pas décidé : « vous êtes trempée, déshabillez-vous. » Le ton est sans appel, soit je m’exécute, soit je n’ai plus qu’à partir. Il me semble avoir saisi un éclat dans la pupille bleu sombre de l’homme en gris. Suis-je ici vraiment bien tombée ? Le chien me barre la route, mais ce n’est pas un molosse. Il n’a pas l’air de déceler la moindre tension ou un quelconque danger : langue pendante, ce croisement caniche - tapis de salle de bain bat de la queue contre la porte en bois, concurrençant avec brio le tic tac de l’horloge géante accrochée près du frigo de la cuisine américaine.
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/ Nuit du 25 au 26 / Dans ce rêve, je reprends la cigarette. Tous les voisins qui habitent l’immeuble opposé - on peut les espionner derrière la grande baie vitrée du salon – sont en train de s’accoupler. Fenêtre sur cour façon M6 et son érotisme dominical (enfin ça, c’était avant). Je les vois assez précisément et suis faussement gênée par cette intimité dévoilée qui m’est imposée. M’amuse toutefois avec l’un d’entre eux qui vient de rondement s’adonner à la tâche avec une femme aux contours changeants. Son corps épouse d’abord tout entier celui de l’amant. Il m’aperçoit. Les bourrelets, ici jugés non disgracieux, captivants même, magnifiques, pleins d'une grâce inaliénable, paraissent tenter de recouvrir toute la surface de peau disponible. Et soudain transformée, filiforme, les jambes infinies et les os saillants, le mannequin se dessaisit de sa proie, semble repue ; lui fier et satisfait me défie du regard. La femme caméléon est sublime alors que le petit septuagénaire maigrichon continue de me scruter. Francis Bacon a certainement participé à la constitution de cette scène organique.