jeudi 31 mars 2011

503 : mercredi 30 mars 2011

Pour de multiples raisons qu’il serait difficile de développer ici, eu égard aux contraintes formelles que nous nous sommes arbitrairement mais non moins impérativement imposés, jamais Léon n’imagina devenir le héros d’une nouvelle en trois lignes.


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Parfois Corinne rêve qu'elle est dans les montagnes et qu'elle peut escalader des pans entiers toute seule, ongles dans le roc, yeux dans les failles, poumons dans l'air enivrants des cimes. Elle s'échappe ainsi quelques minutes le visage tendu vers le ventilateur, le temps d'une évasion sereine, avant de reprendre le train train ronronnant des mails et des process.


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Et les pigeons, ailes flapies, becs décatis, migraient vers la Porte Saint-Martin: fiente éhontée colonisant les pavés, bittes et chaînes annexées, trottoirs entrepris.


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Sans-doute aurait-il mieux valu que je ne le rencontre pas. Mais il était là, en face de moi, sur le trottoir, dans cette nuit mouillée. Il s’est retourné au moment où je sortais, ne sachant où me diriger. Une soirée à jeter dans le caniveau, qui vous met les nerfs à fleur de peau, qui vous dégoûte à la fois de vous-même et des autres. J’étais vide, incapable de penser, ivre de fatigue, totalement défaite, moche, perdue et je restais là, sous la pluie, à regarder cette silhouette inconnue. Il m’a fixée puis a fait quelques pas dans ma direction. A-t-il senti combien j’étais abattue ? Je ne me souviens plus de ce qu’il a dit mais je l’ai suivi et nous avons marché côte à côte longtemps, jusqu’au fleuve. La pluie s’était arrêtée. Sa voix était grave et douce. Il fumait beaucoup. Les mots qu’il prononçait m’apaisaient. Je grelottais. Nous nous sommes assis au bord du fleuve, à même le sol. Il a ôté sa longue veste, l’a mise sur mes épaules. Il n’a plus rien dit. Le ciel s’était éclairci, quelques étoiles timides apparaissaient. Il s’est mis à fredonner des airs que je connaissais par cœur. Comment a-t-il su ? Tout à coup, j’étais troublée. Je me suis appuyée contre lui, il sentait le tabac et le chien mouillé. Nous avons passé le reste de la nuit ainsi, à jouer avec les mots, à observer le ciel, à rire aussi. J’ai dû m’endormir un peu, il a veillé sur moi. Aux premières lueurs de l’aube, il m’a relevée et nous sommes partis, ma main dans la sienne, jusqu’au café de la gare. Il m’a offert un thé et un petit sablé croustillant que nous avons partagé. Je l’ai accompagné à son train. J’aurais voulu connaître son nom, savoir où il allait : il a lu tout ça dans mes yeux. Il m’a serrée dans ses bras, de ses grandes mains a recoiffé mes cheveux, a posé un doigt sur mes lèvres, m’a chuchoté à l’oreille « Bonne chance, petite souris ! » puis est monté dans le train. Je ne sais combien de temps s’est écoulé avant que je me décide à quitter la gare. Je suis repassée par le fleuve, il faisait beau, j’avais fait un beau rêve. Je ne l’ai jamais revu. Je ne l’ai pas cherché non plus. Mais lorsque je ne vais pas bien, son visage m’apparaît, son sourire aussi… Je fredonne toute seule dans la rue. C’était il y a longtemps, je n’ai pas perdu mon rêve, je replonge dedans de temps en temps. Je suis presque vieille maintenant mais je me sens encore petite souris prête à grignoter la nuit.