lundi 28 mars 2011

500 : dimanche 27 mars 2011

Souvent Léon se demandait qui du gaucher ou de l’homme de droite était le plus contrarié.


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Acouphène appuie ses semelles sur la terre élastique, l’élastomère se colle à l’herbe, avec un son creux, intéressant. Tout en enclenchant son enregistreur, il actionne la manivelle de la fontaine, qui se met à tourner avec un bruit mat. L’eau monte dans la colonne, puis s’écoule dans le déversoir. Très vite, le déversoir s’engorge, et l’eau rebondit sur la flaque. Le son se propage, puis tinte contre la colonne. C’est un son léger à mixer avec le bruit mat de la manivelle. Cela va s’appeler « Vague écrêtée à la capsule ». Un son imprécis, sur un tempo lent. Étiré, de l’eau sur du métal, dilué, et qui tinte, c’est l’eau, le métal, vague, écrêtée, capsule, vague… Les robinets mélangent, vague bière, cidre vague, écrêté, métal, dilué, le rythme prend, le rythme lent, c'est là.


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Il pensait que la vie était un jeu, qu’il pourrait continuer ainsi, à s’amuser de tout. Il voulait rester dans la légèreté. Les catastrophes et les drames ne le concernaient pas. Il ne comprenait pas cette propension de l’être humain à la réflexion, à l’analyse, ce goût pour le sérieux, le questionnement. Il ne doutait jamais. Il n’espérait rien. Pour lui, la vie était un bref passage dont il fallait profiter. Il était charmant, toujours de bonne humeur, aimant rendre service, sans attache. Il se disait peuplé de rires et, de fait, on appréciait sa compagnie, tant il savait être drôle ! Il remarquait le moindre détail, il tissait sa toile de petits rien, et, disait-il, se délectait des mille petites choses que personne ne remarquait. « Je m’émerveille de tout et je ne sais rien » : telle était sa devise. Il avait un sens aigu de l’observation, croyait à la suprématie du regard sur la pensée. Il était le seul à remarquer les changements dans la ville : la nouvelle peinture d’une façade, les arbres taillés dans le parc, un nouveau banc devant l’école, un trottoir refait…jusqu’à la couleur des stores d’un nouvel immeuble. Tout cela le ravissait, comme s’il participait à tous ces changements. Sa saison favorite était le printemps : il trouvait que tout avait un air neuf, que les femmes dans la rue rajeunissaient, que les yeux des messieurs pétillaient. Il nous racontait les nouveaux bourgeons, le vert du gazon, les massifs de fleurs colorés, les jambes nues des lycéennes, les ventres ronds des femmes enceintes, les allées et venues des jardiniers. Il imitait parfaitement le chant des oiseaux. Il décrivait la douce caresse du soleil et comment il en profitait tous les midis. C’était un être étrange, une sorte de funambule, on le repérait à sa démarche aérienne, on aurait dit qu’il effleurait le sol tant il semblait léger. Un jour, une explosion lui a mangé ses yeux. Il nous manque, terriblement, surtout son rire, sa joie de vivre qui effaçait nos soucis. Maintenant, nos soirées sont fades, nous ne rions plus.


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Ton cœur s'envole loin de toi. Heureuse et inquiète, tu sens son ivresse en plénitude et tu as peur de ne pouvoir contrôler les vents joyeux qui le soulèvent. Peut-être n'y aura-t-il jamais de chute, simplement cette légèreté grave qui danse au plus profond de toi. La raison te dit pourtant de faire attention mais il est trop tard, tu sais que si la brise retombe cela te sera brutal, douloureux, tu ne parviens même pas à en anticiper l'intensité. Tu fermes les yeux, sourire aux lèvres et cœur au vent : tu voles.