Emma saisit les mains de Léon avant de lui déclarer dans un sanglot : « Je crois, mon chéri, qu’il vaudrait mieux ne plus nous voir pendant quelque temps ! »
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C’était jouer le jeu de l’illusion, passer pour plus ci que les autres, être plus ça que tout le monde, forcer, être l’acteur attendu, enfiler le costume de mots connus, dire les répliques de cette pièce vue et revue, improvisation écrite à l’avance, surprise programmée, et ça jusqu’à la nausée et qu’on en puisse plus, personne ; affaire lâchée, retour aux écrans, silence.
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Elle tentait de se calmer, il n'y avait pas de solution à son problème. Bien entendu, elle pouvait aller chez des amis, y rester le temps qu'elle voulait... Se rendaient-ils compte des heures de travail que cela supposait ? Elle pourrait y passer la nuit, ou s'installer plusieurs jours durant. Et ça, elle ne le voulait pas, sentant derrière les propositions faites l'hypocrisie sous-jacente. Elle devait se débrouiller seule. Ainsi, depuis plusieurs semaines, elle noircissait de sa petite écriture fine des pages et des pages de papier blanc. Elle y prenait un délicieux plaisir, sentant que sa main était toujours autonome. Finalement, le seul problème était qu'actuellement, personne n'accepte de manuscrit. Donc, elle devrait de toute façon finir par taper ses textes ! Elle pensait à son ami, à son livre qu'elle aurait tant voulu mettre au clair. Il attendait patiemment mais elle n'acceptait pas que tout soit purement et simplement un problème d'argent ! Déterminée, elle finirait par accepter d'aller chez les uns et les autres, en essayant d'y passer le moins de temps possible pour ne pas les encombrer, ne pas se glisser dans leur vie, ne pas alourdir leur quotidien. Elle qui aimait tant le calme, la solitude, le silence, elle se lançait un nouveau challenge : écrire dans le bruit, les cris, le passage incessant d'individus plus ou moins appréciés, la course des enfants, leurs rires, les claquements de porte des adolescents excédés par sa présence... Elle s'apercevait subitement qu'elle était à part, un phénomène peu enviable, un peu sauvage, trop taiseuse, ne sachant pas plaisanter, un peu maladroite, pataude, secrète. Beaucoup trop seule, sans doute, et pourtant bien vivante. C'était une bonne expérience et qui sait ? Elle en tirerait certainement une richesse insoupçonnée. Elle aurait l'impression de voyager, découvrant d'autres lieux, d'autres visages, d'autes modes de vie, d'autres regards. Elle en serait heureuse, c'est sûr !
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Sa cigarette se consume au bout de ses doigts nerveux. A côté d'elle, une bougie répand des odeurs de lilas dans la pièce calfeutrée. Une bougie pour éclairer, une bougie pour masquer les odeurs de tabac chaud et froid, et celle de l'alcool aussi. Son ordre est désordre, son ordre est de poser. Quelque part, nulle part, elle se débarrasse des considérations matérielles sans y penser, l'état des choses est tellement superflu... Il n'y a ni routine ni rigueur hormis celle du travail, de ses créations. Coder, donner vie à des lignes et des pages qui existeront autrement encore sur des écrans et des téléphones, c'est une forme de genèse particulière et confidentielle à laquelle elle excelle. Elle est devant son écran heures après heures, elle use son verni sur les touches, elle hurle la musique pour ne plus entendre les clics de souris ou la fatigue qui tombe ses yeux. Demain, la voisine la trouvera endormie sur son clavier, les cheveux embroussaillés et le mascara en larme sur ses joues. Sa voisine a la clé, elle a l'habitude. Elle ouvrira la fenêtre pour aérer, elle lancera la machine à café puis repartira discrètement, triste de l'état des choses mais préférant garder cette clé, cette attention du matin, plutôt que d'oser élever la voix. Sa voisine sa mère, sa voisine sa fille.
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Il servit ce soir là à ses invités des petites coupes d'une salade de petits navets glacés et blancs de seiche - ce qui surprit mais fut trouvé étonnamment bon – un chaud froid de poularde, une purée de bintjes émulsée en couronne autour de filets de morue pochée, si délicieusement populaire, une salade de feuilles très blanches d'endive, de dés de fenouil à la vapeur et de lamelles de truffes blanches, une roue de Brie et des sorbets de poire et de citron avec de grosses meringues brillantes. Mais au dernier moment, pris de doute sur la qualité de l'ensemble et ne voulant risquer la comparaison avec les repas jaune, noir ou rose de Madame Moreau, il dressa la table avec des assiettes bordées d'un marli vert sur lequel étaient modelées des feuilles sur une table imprimée de grosses fleurs roses.