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Il a très vigoureusement pris l’enveloppe entre ses mains, et avec la même détermination en a sorti la lettre et l’a lue. Ce qu’il prenait en main, ce n’étaient pas alors que des morceaux de papier, mais c’était toute la situation de celui qui les avait reçus par courrier et qui y avait lu d’obscurs paragraphes qui lui avaient semblé menaçants, et auquel il montrait sa résolution à résoudre et évacuer pour lui les problèmes qui s’étaient abattus sur le destinataire dépassé. Tandis qu’il lisait le courrier, pour accéder à la compréhension de ce qu’il devrait affronter et vaincre, toujours dans une attitude de défi et de certitude de la puissance et des capacités dont il se pensait doté alors, et pendant qu’il avait l’allure d’une personne dont la présence elle-même est une barrière à l’adversité, il constata lentement en lui-même son impuissance totale à déjà comprendre et ensuite défaire ce qui se présentait là. Il relut plusieurs fois le courrier, ne compris rien non plus à ce qui ne lui était qu’un charabia jargonneux dont il perçut à son tour la probable nature de menace, sentit un défi à son orgueil dont le refus à le relever lui était tout à fait inconcevable, quand bien même l’adversaire cette fois l’emmenait sur un terrain où il était incapable de porter le moindre coup, comme s’il avait été enlevé, pieds et poings liés, au beau milieu d’une bande de cogneurs infatigables et sans pitié. Il redoubla la détermination à ne pas permettre que la moindre nuisance arrive et l’assurance qu’il l’empêcherait toujours, quoi qu’il advienne et quel que soit l’ennemi, il les surjoua pour celui au secours duquel il volait et pour lui-même, il livra des conseils hors de propos qu’il avait au répertoire de ses connaissances et proféra des formules de bravade à destination de tout malheur, présent et à venir, tel un matamore boxant l’air une fois qu’il s’est convaincu qu’aucune mâchoire jamais ne serait plus dure, ni assortie de bras et de poings capables de lui apprendre le goût de la poussière et la compagnie de la chute.
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Le ciel était rouge ce matin, et je frissonnais un peu, front collé à la fenêtre de la salle de bains en le regardant. À l'heure du café, dans l'odeur du pain grillé, tu m'as proposé de mettre en marche la chaudière, et je me suis récriée que nous rentrions à peine dans l'automne. D'ailleurs à midi le jardin ronronnait de tiédeur sous une lumière d'or pale. Mais en revenant du mur du fond, avec un panier de poires, je me suis arrêtée un moment sous le figuier. Le soleil traversait les branches, venait poser des taches de clarté sur les plaques d'herbe, sur les derniers fruits écrasés qui achevaient de disparaître, de se réduire.
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C’était, le soir, profiter du départ d’un collègue un peu plus tôt que d’habitude, et lancer, nonchalant : « ah, tu y vas ? Tu m’attends ? Je descends avec toi. » Comme rendre notre départ prématuré, du point de vue de ceux restants, conséquence du geste de l’autre, rien de plus et, en bas, s’en aller, léger, comme si l’on avait gagné quelque chose, sur le temps, sur la vie.