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Quand il parlait, cela fusait, les idées se succédaient et son débit se précipitait. J'étais éblouie, un peu perdue, avec l'impression pourtant que cela se dispersait, partait, éblouissant, et puis tournait court, et j'aurais protesté si je n'avais été intimidée, si, surtout, une autre sentence, une autre histoire, ne jaillissait, se ruait, se superposait, me désorientait, et je m'élançais à la suite, avec juste un petit regret. Pourtant quand, après son départ, ou son entrée dans un silence méditatif, un renvoi, j'avais loisir de m'attarder sur ce qu'il avait lancé ainsi, l'unité se dessinait, les récits, les remarques quasi sentencieuses, les allusions à des lectures, les petites remarques sur le nuage qui avait assombri le jardin, là, derrière sa fenêtre, se réorganisaient comme en un bouquet fortement lié, ancré, les facettes d'une idée qui se dégageait peu à peu.
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Le lumbago (1/5) Depuis quelques mois, progressivement, ils réinventaient leur vie. Ils étaient deux maintenant, et exprimaient à deux des envies qu’ils n’auraient sans doute pas formulées séparément ou qui du moins ne leur auraient pas paru réalistes ni réalisables. Soit par défi l’un envers l’autre, soit par confiance en leur lien, ils leur semblaient désormais que tout était possible : faire le tour du monde, devenir photographe, écrire un roman, s’établir à Berlin, y fonder une famille, tout cela était à leur portée. Alors pourquoi pas se mettre au sport ? Ce serait bien de perdre quelques kilos et d’être en forme pour attaquer le voyage qu’ils se promettaient d’entreprendre pendant un an, de Montréal à Helsinki. Comme tout était facile à mettre en oeuvre ensemble ! Cette décision, actée en juillet sur la première plage des vacances, aboutit à une inscription en club le 30 août, jour de rentrée officielle pour la plupart des Parisiens. Ils étaient tout de même impressionnés par l’investissement que cela représentait et par le côté “usine” de l’endroit : chaque jour des dizaines de personnes courant sur des tapis, écouteurs calés dans les oreilles, pédalant sur des vélos, journaux économiques dans les mains, occupaient le hall principal. Pourtant il ne leur avait pas fallu beaucoup de temps pour faire leurs marques et s’y sentir à leur place. Venir le matin avant d’aller travailler leur ouvrait de nouvelles perspectives, brisait la routine et leur donnait une énergie insoupçonnée qui débordait largement le cadre de la salle de sport.
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La protection de la beauté par la laideur (12) Le 27 novembre, l’opération devant aboutir à l’établissement d’un état des lieux complet de la zone débuta. Au cours des deux journées précédentes, le quartier avait été inlassablememt quadrillé par la police afin de garantir que l’évacuation de la zone par ses habitants avait bien été complète ; ils ouvrirent de force les portes de tous les logements et locaux où elles n’avaient pas été laissées ouvertes, conformément aux consignes qu’avaient reçues les riverains. Puis les machines commencèrent à retirer les couvercles de protection avec les pinces très mobiles et très articulées qui se trouvaient aux bouts de leurs bras télescopiques. L’avancée et le bon déroulement des travaux étaient contrôlés à distance - aux moyens de moniteurs qui diffusaient les images filmées par les caméras placées sur l’ensemble des machines - par les ingénieurs que les autorités territoriales avaient spécifiquement formés pour ce programme. Les ingénieurs savaient contrôler d’un seul coup d’oeil sur les écrans certains points significatifs de l’état du chantier sans avoir à regarder les autres parties des images, car ceci aurait été dommageable pour les bâtiments dont l’apparence était télédiffusée.