mercredi 20 octobre 2010

342 : mardi 19 octobre 2010

Lettre d’amour à une inconnue (5/18) Et puis « Vous », entrée en fanfare, de façon presque romanesque. Une apparition commentée par un emmerdeur de narrateur omniscient numérique : « Vous êtes maintenant amie avec Noémie Adorina. » Je me suis précipitée sur votre profil, tel un cervidé étonné d’entrer en rut avant la période et qui ne sait que faire de son appétence. J’y ai sondé les photos : d’abord celles où l’on avait indiqué votre présence. Cet épinglage révèle toujours plus que les portraits que l’on a savamment choisis, les dits flatteurs qui n’ont que faire de la vraisemblance et sont voués à camoufler les défauts que le jour ne sait pour sa part épargner. Les autres images, celles extraites subitement de la collection de souvenirs arrosés d’une de nos fréquentations, celles qui laissent entrevoir un bourrelet ou encore les grimacées, sont plus vicieuses et si l’on n’a pas apprivoisé dare-dare ces nouveaux outils électronicomédiatiques on a vite fait d’être dépassé par les événements. Je n’ai jamais laissé le choix au hasard, protégeant du mieux possible cet espace des informations compromettantes ou des simples gaffes. En fin de compte, et même si je n’ai pas énormément à cacher, l’idée que mes proches et contacts moins contigus puissent tomber un beau matin sur un cliché de moi déplaisant ne m’enchante pas tellement. Le geste relève de la trahison. Alors qu’il nous aurait toujours paru aberrant d’aller glisser dans les tiroirs des connaissances de nos gentils camarades des négatifs compromettants entre les chaussettes, caleçons ou soutiens-gorge, nous voici du jour au lendemain la proie de paparazzi ordinaires. « Pas vu, pas pris ! » : mieux vaut se méfier. Fort heureusement, la majorité des personnes qui facebook, myspace et twitter ne fait pas autant de manières ; vous non plus.

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C’était comme un retour de long week-end, se souvenir, confusément, de la foule de samedi et des CRS, figés, dans l’attente des ordres, inévitables, et ne pas pouvoir en parler à des gens qui vous croisaient, persuadés de vous avoir vu la veille. Boire un café et l’heure, déjà, de se remettre au travail.


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Les arbres portent des feuilles jaunes et des branchages qui tombent comme lourds de pluie, de fruits ou de pulpe. Ils bordent les cours d’eau et les lacs. En bas de la pente où ils sont, c’est le fleuve qu’ils doivent longer. En marchant vers eux, au travers des pâturages, on découvre bientôt le fleuve effectivement, il coule à gros flots, gonflés et chargés de boue, comme si l’on sortait d’une longue période de pluie. Les couleurs du paysage sont pourtant celles de l’aride, elles s’accordent aux feuillages jaunes et tombants qui sont notre point de mire, l’herbe et les buissons sont secs, la terre sous les pieds est trempée pourtant, et vous colle sous les semelles en épaisses couches. Les berges du fleuve sont boueuses, et le cours charrie corps et branches, d’étranges poutres ; les quelques instants pendant lesquels nous restâmes debout sur la rive à contempler les eaux, nous vîmes passer deux bidons rouillés et une barque vermoulue. Le vent léger nous porta un peu de fraîcheur, la lumière claire perça les nuages et tomba doucement sur nous. Vers l’aval maintenant, rapidement nous nous décidâmes.