lundi 18 octobre 2010

340 : dimanche 17 octobre 2010

Lettre d’amour à une inconnue (3/18) J’habitais alors un village installé au cœur d’une banlieue huppée où nul n’était supposé contraster : harmonie des classes sociales et des habitus. Je m’étais accoutumée à cette osmose apaisante, à un tel point que je finissais par appréhender la confrontation avec les élèves de l’école primaire implantée à seulement 50 mètres de la mienne. Nous avions pourtant tous reçu la même éducation : bourgeoise et hypocrite. À peu de détails près, nos destins avaient de grandes chances d’être jumeaux. Nous nous efforcions de perpétuer les traditions lors des tournois sportifs en nous adonnant à des guerres de sobriquets et de jeux de mots scandés comme des revendications syndicales en temps de grève. Autrui ne pouvait être qu’affreux, sale et méchant. La sérénité des miroirs m’avait permis de repousser les éventuelles collisions avec le genre humain.


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rentrée fictive 8 / Serge Caulaincourt, Les Anomalies d'un caïd Lequel d’entre nous n’a jamais rêvé d’entrer, ne serait-ce que le temps d’une journée, dans la peau d’un nofuleur ? Par la magie de son écriture, Serge Caulaincourt nous rend cette expérience accessible. Les Anomalies d’un caïd nous entraîne en effet au cœur de l’angoisse persistante que génère le tatron, cette présence invisible mais néanmoins inquiétante auprès de laquelle le métalage ressemble à un conte pour fillettes… Plutôt que de ressasser les éternels clichés sur la constourma, le récit repose sur un exercice de style périlleux mais néanmoins réussi, consistant à nier le lotarcret, ce qui permet à l’auteur de mettre en évidence l’éble afumort de nos castagies modernes. Dans une récente interview donnée à la Philoctète review, le romancier déclarait avoir voulu saisir « la dimension crunale de nos volontés individuelles », ce qu’il réussit parfaitement par le truchement de son héros, Gaby Wolf-Iseki, faux transnium mais véritable ronte veltirou. Celui-ci, décrit dès l’incipit en un mouvement spiral airé à couper le souffle – lambda qui velton du haut de sa tour s’enquit d’un fraeva, condamné au tasoutrope d’ultrage jusqu’au bas de la barre de quinze étages, infratingneur de toute éternité, les veines striées au culbamort – racle jusqu’aux fonds de tiroir afin de tronquer l’ahalage, certain que là réside l’herne dageur. Commence alors une quête exempte de tout faiclanisme ou autre marble foncret, ce qui, en ces temps d’arbladelle généralisée, mérite qu’on le souligne. Counige digne des plus grands, Les Anomalies d’un caïd est sans aucun doute l’événement phare de cette rentrée littéraire où, comme chaque année, le porcobout côtoie le plitrotion sur les tables de nos libraires. Mais qu’importe ! Tant qu’ils verront publié pareil altitrope, les lecteurs nolins sauront qu’ils peuvent garder confiance dans le bisvridou.


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Le lumbago (3/5) Étendue sur le dos à même le sol, comme une tortue renversée et impuissante, elle pleura de rage. Elle attendit le retour d’une première collègue pour se faire accompagner chez le médecin à l’autre bout de la rue. Pendue à son bras, elle marchait telle une grand-mère, courbée, à petits pas très précautionneux, comme sur des œufs. Ah la belle omelette qu’elle se préparait ! Elle avait mal, elle avait honte, en croisant dans l’escalier le reste de l’équipe qui rentrait de pause, elle était en colère. C’est précisément ce qu’elle avait voulu éviter en s’inscrivant à ce club... A vrai dire la colère était chez elle un sentiment permanent dont elle s’accommodait tant bien que mal. Elle avait grandi avec elle et il ne fallait pas grand chose parfois pour qu’elle dégénère en véritable fureur. Le médecin diagnostiqua un lumbago aigu. Cela tombait très mal avec ce voyage professionnel qu’elle devait encadrer deux jours plus tard. Elle se réjouissait de se rendre en Angleterre découvrir cette artiste et ce musée dont elle ignorait tout trois mois plus tôt. Plus qu’un musée, c’était le lieu de vie du sculpteur et le parc où se dressaient ses centaines d’œuvres qu’elle aurait découverts. Elle concevait un enthousiasme toujours égal pour tout ce qui était loin, nouveau et artistique. Le médecin lui avait recommandé de ne pas rester immobile pour que son corps sécrète des endorphines, aussi avait-elle décidé de retourner travailler, de terminer les préparatifs et voir si elle ne pouvait pas malgré tout endurer ce voyage. A peine rentrée au bureau, le PDG l’informa qu’il lui avait pris rendez-vous chez son kinésithérapeute personnel et qu’un taxi l’attendait pour l’y conduire. Cet homme faisait des miracles.


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Tout de même, l’époque où je te désirais follement est celle dont la nostalgie me vient avec le plus de puissance. Ce sont d’autres souvenirs d’alors qui me reviennent d’abord, et dont je me baigne avec un ravissement exquisément blessé, le paysage et ses odeurs, la confiance dans ce que permettrait l’esprit, la beauté partout, semblait-il. Et tu es là aussi, point de la plus intense beauté dans le panorama, délice et promesse fous, douceur et lumière vives dans la douceur et la lumière ubiques. Tu m’étais intégralement érotique, et tout à fait impossible.