jeudi 19 novembre 2009

8 : jeudi 19 novembre 2009

Pour un monde sans [...], et pour un cohérent langage le proférant et le formulant - car un monde sans [...] est de part en part tenu dans les rets de la langue et façonné par elle - nous devons renoncer à de nombreux mots, modes et tournures de phrases, et presque totalement à quelques temps, sur le secours de tous lesquels pourtant repose beaucoup de nos formules verbales et textuelles bancales, frêles et commodes. En sorte de prothèse, c'est aux synonymes que nous devrons dorénavant abandonner nos phrases, et le mot de synonyme est en propre un terme accepté, dont l'usage est recommandé, car sa fortune est de renfermer deux semblables, par chance venus de Grèce et non pas de Rome, de la lettre portée au ban. Ce nouveau monde, avec pour organe son langage tronqué, est une forme neuve de nature, aménagée par et pour les hommes, selon un mode amputé, paramétré conformément à une carence voulue. Par façon de métaphore et pour davantage comprendre, projetons-nous dans un monde excluant tout à trac l'usage, pour toute tâche manuelle, des pouces et majeurs dextres et gauches. Des arrangements, des réglages et des ajustemements font dès lors éprouver leur caractère fondamental, et d'emblée les réflexes sont devenus les opposants à combattre, avec haute prépondérance et de toute urgence. Sortons présentement du trope précédent et revenons au nouveau monde, car c'est le réel, plutôt que les symboles et les assemblages mentaux convenus à l'excès, que nous devons exposer séance tenante. Dans le nouveau monde, où les tabous ne sont pas manuels, et sont par contre totalement portés sur une seule lettre dans l'alphabet, autant les noms communs peuvent être peu ou prou repêchés par des synonymes et des syntagmes comparables, autant les noms propres portent grand le flanc à la désuétude et à l'abandon pur et fatal. Pour des masses de patronymes, de toponymes et de noms d'ouvrages, les deux seuls sorts concevables sont le retranchement forcé hors de la communauté des êtres, ou alors l'emprunt d'un nouveau nom acceptable et légal, débarrassé de la lettre coupable et réprouvée.