jeudi 26 mai 2011

558 : mercredi 25 mai 2011

Encore et toujours ces insomnies qui n’en finissent pas ; regardé un documentaire sur la réhabilitation des friches industrielles de Coketown ; impressionnant…


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Je suis un lecteur boulimique de poésie. Parmi "mes vrais" poètes ( je ne prétend à aucune objectivité!), il y en a beaucoup dont j'aime, parfois à la folie, tel ou tel écrit... Et puis il y a ceux dont - en reprenant la magnifique formulation de Steiner : "la présence parente est tout du long talismanique, mais toujours à renégocier", qui de toujours m'accompagnent, me secouent, m'interrogent, me portent et m'aiguillonnent, m'enseignant, d'un même jet, l'humilité et la visée, sans trêve assénant qu'il n'y a de pari qu'insensé, de jeu que si l'on est prêt à TOUT jeter dans la balance, y compris la vie, ou ce qui en tient lieu... (en vrac : Pessoa, Holan, Dino Campana, Hölderlin, Rimbaud, Carlos Drummond de Andrade, Dylan Thomas, Essénine, Char, Borges, Lucian Blaga, Ekelöf, Artaud, Auden, Celan, Saint-John Perse, Montale, Trakl, Herberto Helder, Vallejo, Danielle Collobert, Rilke, Nauro Machado, Nichita Stanescu, Somlyo, W.H. Auden) Certains se pencheront surtout sur les absents, je le sais, mais qu'y puis-je? Rien, sinon répondre qu'il y a de bien pires adieux...


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C’était aller trois fois à la machine à café dans la matinée, pas moyen. Y rencontrer trois fois les trois mêmes qui, en écho, résumaient : « pas moyen aujourd’hui. » Après-midi, éviter la zone, l'estomac pesant de pâtes, tournant la souris en rond par-dessus le code impénétrable, aujourd'hui.


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Lentement son corps se déplie vers la conscience. Ses yeux sont réveillés mais refusent de s'ouvrir à la lumière, ses cellules quittent doucement leur état indolore et le rêve prend fin. Un rêve de silence insensible et profond, un rêve d'oubli et d'inexistence. Lentement elle respire l'oxygène, première bouffée hors du sommeil, première seconde ou la douleur s'oublie encore, il n'y en a qu'une par jour, un souvenir, un rappel cruel de sa vie d'avant quand tout n'était qu'insouciante et excès. Lentement ses yeux s'ouvrent enfin avec tristesse, elle a droit à quelques minutes de résignation sans espoir avant d'agrapher un sourire sur son visage, avant d'aller réveiller ses enfants. Ses enfants ont une mère ensoleillée et enjouée qui les couvre de tendresse, elle leur apprend le rire et l'inscouciance tant qu'elle le peut encore, tant qu'ils ne seront pas assez grand pour deviner ses ombres permanentes, les abîmes de souffrance qu'elle porte en elle et qui suivent chacun de ses pas.


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C’est un si bel hommage ! A la sortie de ce film, les mots m’ont manqué. Nous étions cinq dans cette petite salle. Cinq à partager ce film splendide qui nous a tous laissés sans voix. Un joyau, un hymne à la danse, à la beauté, à la douceur, à la vie ! Un immense message sur l’art dans toute sa noblesse. Un film magnifique, certes, mais bien plus que cela : une vie toute entière dédiée à la danse, à la recherche, à la magie des corps, à tout ce que peut exprimer chaque individu lorsqu’il lâche prise pour se retrouver lui-même, parfois jusqu’à l’épuisement, à tout ce qu’il peut donner, ressentir, laisser voir, offrir sans retenue. Une danseuse extraordinaire qui avait traqué les trésors enfouis… Une femme entièrement vouée à son art, une femme au merveilleux sourire, une femme oiseau aux bras aussi légers que gracieux, qui aimait l’humain avec ses secrets, ses doutes, sa peur, ses différences, sa sensibilité ! Qui souhaitait que chacun de ses danseurs puisse montrer, dans toute son expressivité, dans toute sa fluidité, ce qu’il avait de meilleur. Une femme qui souffrait, qui portait en elle un désespoir qu’elle transformait, à la façon d’une magicienne, pour nous offrir une sacrée leçon de vie ! Une chorégraphe qui alliait couleurs, matières, éléments, qui cherchait et fouillait l’intimité pour en faire jaillir la beauté. L’hommage est bouleversant. Que vont devenir ses danseurs qui, aujourd’hui encore, la cherchent partout ? L’empreinte laissée en chacun d’eux est à l’image de cette femme extraordinaire : à la fois dure, forte, chargée, mais aussi pleine de douceur, de légèreté, d’amour et porteuse d’espoir. Tous l’ont compris et ont su exprimer l’immense talent qu’elle leur a transmis. A travers leurs larmes, leurs corps, leur tristesse, leur désarroi, ils parlent tous la même langue : celle qu’ils ont entendue tant de fois et qui s’est tue.