lundi 16 mai 2011

548 : dimanche 15 mai 2011

Sans doute parce que Léon était discret et bien élevé, et somme toute d’une affligeante banalité, personne ne dit jamais de lui qu’il était un véritable personnage de roman.

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Pour savoir si je grandis, je choisis un cocotier près de la décharge et je l'entaille à hauteur de mes yeux. Cette encoche coïncide avec l'extrémité du bracelet de métal entourant le cocotier. Tous en sont pourvus. J'ai voulu savoir pourquoi. L'école m'a répondu que c'est pour dissuader les rongeurs, parce qu'il y a des rats sur l'atoll, débarqués des bateaux quand on a planté la cocoteraie, et bien qu'à cette époque on ait vérifié les cales, on n'a pas désinfecté les bâtiments.


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Le soleil descendait sur la rue, en belles obliques entre les arbres, en festons suivant la ligne des toits de l'autre rive du canal, inondait la devanture de l'atelier, entraînait un bal de poussières à l'intérieur, se posait sur le métier et sur les mains de Guillaume. Jeanne a fait glisser les rideaux, a laissé la pièce, son ami, les laines, les livres, dans une pénombre douce et unie, a sorti à grands ahans deux des fauteuils de bois – merveilles lissées, massives et légères de leur ligne simplement cintrée – et une table, sur le trottoir, et s'est installée avec un verre de sirop, un tricot, un livre. Les passants hésitaient, cherchaient l'écriteau, d'autres tables, et puis repartaient en secouant la tête, considérant avec regret que ce n'était pas là un bistrot. Certains prenaient une photo.