Manque un (6) Penauds devant la boutique du bouquiniste, Pierre et Paul se demandèrent ce que ferait Jacques dans cette situation, à leur place à eux qui était depuis quelques heures comme ils le pouvaient à la sienne. Ils l'imaginèrent ruser en se faisant passer pour le requérant quand bien même il aurait été là pour quelqu'un d'autre, et pénétrèrent à nouveau dans le magasin de livres anciens. Pierre ou Paul approcha du patron à béret et lui demanda ce qu'il en serait si c'était lui-même qui lui demandait le mot qui lui manque. Le grisonnant lui répliqua dans son haleine de tabac qu'il en irait dans ce cas tout autrement et qu'il s'en allait de ce pas lui répondre, à lui Pierre ou Paul qui était ici présent. Comme lorsqu'ils étaient tous deux entrés, le bouquiniste fixa longuement le visage de celui qui se prétendait en défaut d'un mot, puis s'assit et bourra pensivement une pipe, qu'il commença lentement à fumer les yeux fermés. Ses yeux s'ouvrirent à nouveau et il se leva, en marmonnant qu'il voyait, qu'il voyait. Il alla chercher un petit volume rabougri en bas d'une pile posée au sommet d'une étagère, retira le plastique qui le recouvrait pendant qu'il descendait les marches de son escabeau et, une fois debout sur le parquet, sembla ouvrir une page au hasard, et au hasard y pointer son index. Sourcils levés et yeux écarquillés, il referma lentement le petit livre et s'adressa à Pierre ou Paul, haussant les épaules : "Je suis désolé, jeune homme, comme il arrive parfois, il me faut vous dire que vous devez renoncer à écrire."