lundi 22 février 2010

102 : dimanche 21 février 2010

"Je vous écris d'un pays lointain" (4) Envoyé trois lettres déjà, et dit tellement peu d’ici : sans doute que trop stagnant pour mes yeux. Beaucoup ces rues, ce ciel. Beaucoup ces arbres. Beaucoup ces villes. Et puis, la plaine, ici. « Horizon mort », on dit ici. Parfois, le soir, quand étalement sang du soleil, on dit qu’ainsi sur l’océan. J’ignore, comme tous ici. Rien que paroles innocentes, mots recueillis et qu’on répète. Parce que trop de distances pour l’océan, et trop de dangers d’aller là. Un vieux livre dans ma bibliothèque, où prose des voyageurs (grand temps des cœurs fermes, alors, grand temps des clés d’or et des hommes-songes). Disent qu’avant joindre l’océan, déserts où s’évanouir en grand silence, des dizaines y mourir, que là tempêtes sans plus dormir, et nuits aussi coupantes que le jour, puis montagnes extasiées où les pierres froides, où souffle bref et pensées lentes, marcher tête basse la crainte en gorge (grande crainte que celle sans nom), et enfin fleuve, si large tel qu’en rêve même personne y naviguer, même les hommes-songes seulement marcher le long, longue marche où les raids des Hommes-du-Vent, et souvent le sang sur leurs glaives (beaucoup d’horreurs dans ces pages vieilles). Si tant est difficile, que pour eux, alors, grande récompense se tenir devant l’Océan. Mais pour nous, plus que des mots où le souffle des morts. Et l’océan si loin. Bien à vous, …

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Profonde chaleur du bois. Dureté, épaisseur de la porte en bois. Masque de belle facture. Masque de métal sombre. Laideur décorative. Il me plaît. Il me réfute, me moque, me rejette. Autour de lui, le bois solide de la porte fermée. Vous n'êtes pas là. Derrière moi, les passants, les voitures, la lumière et le bruit de la rue. Vous n'êtes pas là. L'interphone est muet. Le masque me regarde. Pourquoi est ce que je ne pars pas ? Vous n'êtes pas là. Attendre, un peu, que le besoin de vous s'efface. Attendre un peu que mon esprit m'offre un but, une suite. Et je partirai.

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Lorsque à la fin s'évaporera tout le marbre que nous avions fondu et que ne danseront plus les cordes pour nous pendre, nos corps rongés par les effluves et tout devenu poussière, et les ondes du tonnerre qui de tout balaieront la poussière, les fantômes de nos monuments qui seront nos âmes manquantes, à jamais perdues et errantes dans le grand dehors sans horizons ni bords, à la lisière de nous-mêmes nous n'auront plus d'intériorité ni d'antériorité. La musique n'aura plus de son et nos corps n'auront plus d'amour, nous n'auront plus à mourir ni plus de morts. Tous nus dans des images sans lumière, sans espoir ni pensée pour le repos. La souffrance sans lisières ne blesse pas, soyons sans paix et tranquilles.