samedi 6 février 2010

86 : vendredi 5 février 2010

La petite frappe n'avait pas roulé des mécaniques bien longtemps, une fois que les paluches du Stup' s'étaient abattues sur ses épaules. Le caïd de bas étage venait de sortir d'une de ses turnes, il n'avait qu'à peine eu le temps de faire trois pas sur le trottoir qu'une poigne de garagiste sortait d'un angle mort pour lui pétrir menu les trapèzes et les mastoïdo-deltoïdiens. Le Stup' avait tout de suite voulu lui montrer qui était le patron. Pas de formule de politesse, pas de préliminaire, le Stup' n'attend pas que tu sois dilaté quand il sait qu'il peut passer en force, petit mec, t'aurais mieux fait de surveiller tes arrières. Quand le Stup' ne veut pas que ça traîne, il ne la joue pas gentil flic-méchant flic, il la joue double méchant flic à lui tout seul. Et ce n'est pas ce petit rigolo, cette majorette mal sortie de l'adolescence, qui allait demander son reste ou tenter de jouer la vertu du guerrier les reins solides. Tout de suite, le Stup' avait mis cartes sur table, il était juste preneur d'un peu d'informations sur la diversification récente des activités de tu sais quelle bande de Serbes, notamment au niveau de l'import-export d'équipements pour boucheries-charcuteries, si tu vois ce que je veux dire. Juste une petite prise de renseignements, tranquillement, comme quand on va chercher deux-trois brochures au syndicat d'initiatives. La regard de la majorette avait tout de suite trahi qu'elle voyait très bien de quoi il en retournait, mais d'abord elle avait trop les foies pour que sa gorge puisse lâcher le moindre mot. La tête d'un petit lapin au milieu de la route quand il a des phares de bagnole en plein dans les yeux, alors le Stup' avait dû un peu vérifier l'elasticité des clavicules de Lapinou pour lui libérer la parole. "Alors, juste en savoir un peu plus sur le matos de boucherie-charcuterie des Serbes. Se lancer dans le commerce de hachoirs grosse capacité, t'as pas peur qu'ils risquent le conflit d'intérêt ?" Grand truc du Stup', faire croire au mec qu'il en sait plus que ce qu'il connaît vraiment, pour que le gars lâche les tuyaux pensant que le Stup' est de toute façon déjà rencardé. D'aucuns disent au commissariat, parmi les collègues un peu droitdelhommistes du Stup', que ce genre de technique ne sert qu'à faire dire à un gus ce qu'on veut entendre, mais rien de fiable, ni rien de plus. Le Stup', ça le fait marrer, il leur répond qu'à la fin de ses enquêtes, il y a toujours un coupable, et les dossiers toujours classés bien net, propre ou pas, mais bien net, alors que lui, le Stup', les salue et dort sur ses deux oreilles. Bref, Lapinou la majorette avait tout lâché fissa, les Serbes baignaient bien dans le business du hachoir à barbaque grosse capacité, et il y avait plus à en apprendre du côté d'un entrepôt en bord de Marne vers Maisons-Alfort. Le Stup' a laissé la majorette rentrer faire ses roulades en collant rose dans son terrier et est rentré chez lui à pied, seul avec la ville dans la nuit.