vendredi 24 juin 2011

587 : jeudi 23 juin 2011

C’était le coup de barre de quatorze heures trente.


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J'ai rêvé d'une grande salle dans la maison sur la grève, de murs chaulés s'effaçant dans la pénombre, d'un âtre et de ton dos penché pour faire partir les flammes, de grands bocaux qu'elles feraient sortir de l'ombre, pleins de ces coquillages que nous ramènerions de nos promenades paresseuses.


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Rencontre IV Le ciel était brouillé, la chaleur lourde, l’air moite. Aude s’était allongée au fond du jardin sur un vieux drap. Un papillon jaune et noir se posa sur son bras. Elle admira sa finesse. Elle le suivit des yeux jusqu’à ce qu’il disparaisse, presque jalouse de sa légèreté. Elle se remémorait sa visite chez les deux frères. Ils l’avaient gardée à déjeuner, lui avaient raconté leur vie, la rencontre, un soir de concert au village, de cette femme insolite, passionnée de littérature et de musique, sa grand-mère ! Ils s’étaient liés d’amitié, pas une semaine ne passait sans qu’ils ne viennent la voir. Elle les accueillait toujours chaleureusement, c’est ainsi qu’ils lui avaient fait partager leurs questionnements, leurs doutes, leurs travaux. Elle les encourageait, prenait part à leurs discussions, leur commentait certains articles de journaux et regrettait toujours l’absence de sa petite fille. Sur la fin, elle était devenue beaucoup plus silencieuse et pressait Mathieu pour qu’il lui fasse écouter sa musique. Elle ne parvenait plus à lire, elle gardait sa vue pour déchiffrer les lettres qu’elle recevait et pour y répondre. Cela lui prenait de longues heures. À tour de rôle, ils allaient lui poster son courrier. Ils l’avaient trouvée un matin, dans son fauteuil, une lettre à la main. Elle s’était endormie ainsi et ne s’était plus réveillée… Aude était si émue qu’elle n’avait pas pu prononcer un seul mot. Elle s’était levée et s’était enfuie, pédalant à toute vitesse jusqu’à la maison. Elle s’était réfugiée au pied du gros arbre et avait laissé échapper son chagrin. Depuis, elle n’était pas retournée à la maison aux lilas. Elle rassemblait ses souvenirs, le dernier Noël passé ici, le visage attentif et affectueux de cette femme qui l’écoutait patiemment, des heures durant, ne comprenant pas tout mais s’efforçant d’atténuer son désespoir. C’était la seule personne à qui elle avait toujours confié la tourmente de sa vie. Maintenant, elle se retrouvait seule avec la certitude de vouloir abandonner cette vie absurde. Elle irait chercher ses affaires et tirerait un trait définitif sur la ville, les connaissances, les blessures, les déceptions, les chocs successifs. Elle savait une seule chose : ici, elle se retrouvait, le silence et la beauté du lieu lui suffiraient, elle n’avait plus besoin de jouer, de faire semblant, elle pourrait être elle-même, sans compromis ! Un gros nuage sombre passa au-dessus de sa tête et de grosses gouttes chaudes se mirent à tomber. Elle resta là, sous la pluie. L’eau qui ruisselait la fascinait, c’était comme si elle emportait avec elle un morceau de sa vie.


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Catherine a toujours aimé récurer les casseroles. Elles étaient pleines de graisses, lorsque posées sur un feu elles étaient recouvertes de suies. Elle grattait avec énergie et bonne humeur, ses doigts noircis et attaqués par sa tâche. "Au moins, on voit la différence" disait-elle. Faire disparaître des tâches manifestes, regarder la propreté surgir de dessous ses doigts suffisaient à la remplir d'une douce sérénité.