jeudi 3 février 2011

447 : mercredi 2 février 2010

Lu sur une copie : Nous pouvons remarquer que l’auteur nous dit que Léon « décrochait son téléphone » et que donc il s’agit sans doute d’un fixe, ce qui nous fournit une indication précieuse quant au cadre spacio-temporel de l’action du roman, c'est-à-dire à une époque lointaine. http://leconvoidesglossolales.blogspot.com/2011/01/424-lundi-10-janvier-2011.html


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C’était la rumeur, ne pas devoir la répéter et demander la même discrétion à qui on la transmettait. Entendre plus tard le retour déformé de la rumeur, avec d’autres chiffres, d’autres dates, mais toujours la même menace planante qui éveillait à d’autres bruits et qui, finalement, nous faisait coller à notre code, ce pain quotidien.


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Il marche à petits pas sur le trottoir verglacé, sa progression imperceptible illuminée par les lampadaires de la ville encore endormie. Nous sommes debout, en face, emmitouflés de sommeils et luttant contre le froid. Dans l'attente du bus, nous trompons l'attente glaciale en regardant ses efforts contre le gel au sol. Il n'a plus beaucoup à parcourir, 30 mètres, il en a 50 derrière lui, depuis le tabac où il est allé boire un café au comptoir et se fournir en Gauloises. Accroché aux murs, gagnant calmement quelques centimètres, il nous ignore. Entre lui et nous, les voitures encore givrées vont et viennent, s'arrêtent au feu, repartent. Le bus arrive. Nous montons. Il s'adosse à un arbre et nous regarde partir en s'en allumant une. Quelque soit le temps, il a son rituel vieux de quelques décennies et ce ne sont pas des degrés en dessous de zéro qui l'arrêteront. Le bus s'éloigne, nous bipons nos titres de transport tandis qu'il se transforme en tâche nonchalante.


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La raison a toujours plus ou moins dirigé sa vie. Maintenant, elle aimerait pouvoir dire qu’elle n’en a que faire. Elle a besoin de légèreté, de rêve, elle veut écarter la coque qui la protège, entrer dans l’inconnu, se permettre la démesure, se laisser attirer par l’étrange sans retenue, aller au-delà d’elle-même, investir pleinement la passion qui l’anime, chercher les raisons de sa pudeur, de sa réserve, de son manque d’audace, en démonter tous les mécanismes. Elle n’en peut plus d’être sage, elle se sent toujours assise au bord de sa vie. Qu’en a-elle fait ? Où s’est-elle perdue ? Le brouillard qui l’enveloppe est parfois si épais qu’elle ne peut plus respirer. Pourtant, elle sent un curieux petit être qui la bouscule, qui la chatouille, qui la ferait presque rire tant il est malin ! Il s’insinue partout, se déplace dans ses veines, sur sa peau, à la racine de ses cheveux, dans ses moindres pensées, il danse devant ses hésitations, se moque de ses résistances. Un petit lutin charmant qui l’agace et joue à la marelle sur son ombre. Ce qu’il lui suggère, elle le tait mais elle s’en régale aussi, en cachette. Elle attend patiemment le jour où elle saura enfin se libérer pour danser avec lui jusqu’à l’ivresse.