mardi 8 février 2011

452 : lundi 7 février 2010

Fiche personnage : décrire journée où Léon devait fêter l’anniversaire de ses 11 ans (événement fondateur) : son père, officier de la British Transport Police, annule la birthday party (8/08/63, attaque du train postal Glasgow-Londres).

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C'était la machine à café. Panne.


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Il y avait toujours cette même personne qui faisait le pied de grue au carrefour, constamment planté au même coin, son regard balayant les environs sans qu’on puisse jamais savoir ce qu’il cherchait à voir. Il avait fallu plusieurs jours pour le repérer, c’étaient des fumeurs parmi les collègues qui le remarquèrent, qui finirent par constater qu’il était toujours là, cet homme, au coin, à ne rien faire de spécial, à regarder. Les personnes chargées de la sécurité des locaux préfèrent la prudence, comme le leur demandait leur fonction, et choisirent de prévenir une éventuelle malveillance dont le mystérieux homme aurait été l’éclaireur. Ils recrutèrent donc un agent de sécurité, dont la fonction était de surveiller si aucun mouvement hostile ne se présentait aux environs. C’était un travail de vigilance, qui consistait à assurer une permanence devant les locaux, en conservant son attention éveillée et balayant du regard les environs. Tout le monde fut rassuré, et bientôt plus personne ne remarqua la présence du vigile ni celle de l’homme d’en face, sauf lorsqu’un nouveau bâtiment aux abords du carrefour positionnait à son tout une personne affectée à la surveillance de ses alentours.


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Paolo se réveille lorsque Léon ouvre la portière de sa voiture. Je veux dire que Léon ouvre la portière de la voiture de Léon, et même la portière de la Peugeot 808 de Léon. Paolo l'a trouvée ouverte hier soir, il faisait nuit, il faisait froid et a voulu écouter la radio quelques minutes. Mais « il s'est endormi comme une merde » se justifie-t-il auprès du propriétaire qui n'en demandait pas tant. Le clodo sort du véhicule en s'excusant. Il se rend compte qu'il est déjà plus de huit heures : une heure de travail perdue. Je veux dire une heure à faire la manche en moins, et l'heure de pointe en plus. Il a la dalle et ne peut pas compter sur « cette salope de boulangère » pour lui faire crédit, déjà qu'elle le vire dès qu'il demande une pièce à ses clients devant sa vitrine. Il n'y a guère que le patron du troquet, Azouz, pour le dépanner. Sa clientèle s'est embourgeoisée, il a changé le nom car La Fleur de Tunis, ce n'était plus vendeur (aujourd'hui on préciserait Le Jasmin de Tunis). Et Paolo dans son troquet à Azouz, c'est un peu pour sauver la conscience de ses bobos de clients. On le tolère alors on se prend pour l’Abbé Pierre. Mais bon, là, Paolo traverse la rue, manque de se faire renverser par un taxi, lui gueule quelques injures pour la forme, histoire de se prouver qu’il existe, et va quémander un café-croissant-calva à son pote Azouz.

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Dans la fabrique de paragraphes, ils redoutent le jour où les romans fleuves sortiront tous de leurs lits en même temps : les digues ne sont pas si solides.


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L'eau chaude lui brûle un peu la gorge. Il est installé devant la télévision, comme tous les soirs, il a mangé son assiette sans trop y regarder et boit une tisane au thym, comme tous les soirs. Il a rajouté un bouchon de rhum, puis deux, puis trois, comme tous les soirs. Il se resservira, un peu plus de rhum, un peu moins de tisane, le pas hasardeux pour revenir sur le canapé, comme tous les soirs. Comme tous les soirs, Thérèse préparera son dîner, chauffera son eau, fera la vaisselle. Comme tous les soirs elle se fera petite souris silencieuse, attendant qu'il s'endorme devant sa TV, priant pour qu'il n'ait pas la force d'aller se coucher. Elle se couchera après lui et se lèvera avant, pour préparer son petit-déjeuner, pour que tout soit prêt, et qu'il se prépare et parte vite, vite, la laissant enfin au silence de leur maison.


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Parler pour ne rien dire, du temps, de la couleur du ciel, de sa journée, de sa fatigue, de son chat, des enfants, parler, aligner les mots encore et encore pour ne pas se taire, parce que cela pourrait paraître suspect, parce que ne rien dire dérange, déçoit, inquiète, affole parfois. Parler pour faire bonne figure et au fond de soi désirer que ça s’arrête vite. C’est dans ces moments-là qu’elle se sent le plus seule. Elle n’en veut pas aux autres de leurs bavardages incessants, de leur besoin de se raconter. C’est à elle-même qu’elle s’en prend, elle a bien conscience d’être inadaptée. Elle écoute pourtant, elle répond, elle propose, elle console, mais le plus souvent, elle cherche désespérément quoi dire. Alors elle trouve un prétexte, un rendez-vous, une urgence quelconque pour mettre un terme à la conversation et s’enfuir à toutes jambes. C’est ainsi qu’elle sort peu, qu’elle décline les invitations. Les conversations l’ennuient. Elle préfère les vraies rencontres, où l’on parle peu, où chaque mot employé est porteur de sens, où ce qui est dit fait résonance. Dire, prendre la parole est un acte volontaire, un engagement. C’est ainsi qu’elle le conçoit. Le choix des mots est important, le silence l’est tout autant. Cette sorte de mise à l’écart, elle ne la prévoit pas, elle s’impose d’elle-même. Qu’irait-elle faire parmi ceux qui s’expriment avec autant de facilité ? Elle n’y a pas sa place, l’effervescence verbale la rend muette. Elle a bien conscience de son handicap. Quelques amis, ses enfants, des livres, de la musique et cet irrépressible besoin d’écrire suffisent à la rendre heureuse. Des mots, elle en a plein la tête, elle les emploie avec mesure et quand elle les jette, c’est pour les assembler à nouveau et tenter d’en faire quelque chose qui soit le juste reflet de ce qu’elle porte en elle, tout simplement, sans agitation inutile. Elle adore la nuit qui laisse la place au rêve. Elle adore le lever du jour où le temps semble suspendu. Elle le sent bien, elle s’éloigne en douceur d’un monde bruyant qui ne comprend pas que le silence s’écoute et qui n’en perçoit pas sa beauté.