samedi 12 février 2011

456 : vendredi 11 février 2011

« Mais Léon, mon chéri, si vous aviez vu cette casquette, avec ces poils de lapin dépenaillés et cette broderie en soutache toute jaunie… »


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C’était une journée comme une autre, sauf que c’était la dernière de la semaine : alors souffler, d’avance, au répit de deux jours à venir et, sans raison, penser aux métiers qu’enfant, l’on choisissait de faire « plus tard », médecin, astronaute, vétérinaire, explorateur, chanteur, grand sportif, président de la république, pilote d’avion, architecte, marin et se dire que nous en étions loin.


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5. Le crayon de Picasso. Pablo Picasso a un vieux reste de crayon, à mine grasse, dans la poche de son pantalon lorsqu’il arrive à Paris en 1901 et s’installe 130 ter, boulevard de Clichy, chez Casagemas. Il le perd non loin du 122, rue de Provence dans le ixème arrondissement, en entrant au One-Two-Two où il va visiter les putains. Il paraît que c’est Georges Braque passant par là, pour des raisons dont on n’est pas très sûr ­— on dit qu’il rentrait d’un dîner avec Kahnweiler et quelques autres joyeux lurons, qui ramasse le crayon égaré et le met dans le ruban de son chapeau comme une plume. Des années plus tard, vers 11h, dans le quartier Saint-Germain, à deux pas de l’église, alors que le maestro fait une pause dans la composition des Demoiselles d’Avignon, ils se croisent. Ils ne se connaissent pas. Mais Picasso reconnaît son crayon et s’exclame dans son français poétique : “ quèlle bellé ploum qué voilà !”. Ils tombent dans les bras l’un de l’autre et deviennent les amis que l’on sait. 6. Le crayon de Gustave Roud. (pour Rafael José Díaz) Ce matin, en longeant le torrent, Gustave Roud a vu dans le torse puissant d’un jeune homme qui se lavait dans le tumulte de l’eau un je-ne-sais-quoi qui l’a incité à s’arrêter un peu plus loin, à l’ombre légère d’un hêtre, pour prendre quelques notes. Son fidèle carnet aux pages gonflées de feuilles et de fleurs ramassées au gré des promenades, était bien dans la poche intérieure de son veston gris et un reste de crayon l’accompagnait, comme il se doit. “ Aimé ! C’est toi, c’est toi, — c’était donc toi ! ”. Ce jour-là Aimé est la prémonition d’un jeune canarien qui, des années plus tard, traduira Gustave Roud en Espagnol. En poésie le temps ne fuit jamais.


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Marine est étendue sur le carrelage, la peau contre la fraicheur de la tommette rouge orangée. Les bras en croix, les jambes écartées. Elle a passé une main sous ses cheveux d'ébène qui flottent autour d'elle, des gouttes de sueur perlent sur sa peau sombre, glissent le long de son corps pour se perdre sur les carreaux. Il va falloir que Marine se lève, reprenne son balais et justifie le salaire que lui versent les propriétaires de cette maison. Mais il fait si chaud aujourd'hui... Marine reste encore un peu encore collée au sol, s'imaginant grain de poussière invisible.


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Avis de passage. Un papier jaune déposé par La Poste et conservé abusivement par la gardienne de l’immeuble. Le facteur n’a pas coché le type de service qu’il n’a pu délivrer ce jeudi 23 décembre 2010. La gardienne de l’immeuble a fermé sa loge ce jour-là et ne l’a jamais rouverte depuis. Disparue. Sans laisser ni adresse ni numéro de téléphone, sans confier le double des clefs à qui que ce soit. Après un mois sans nouvelles, le syndic s’est résolu à payer un serrurier pour faire ouvrir la loge. Aucun indice n’a permis de retrouver sa trace. Le courrier du 23 décembre se trouvait sur la table de la pièce unique. Avec l’avis de passage du quatrième droite. Il était bien trop tard pour le présenter au bureau de poste, et savoir s’il s’agissait d’un courrier spécial, d’un colis ou d’un mandat. Le pli a dû être retourné à l’envoyeur, peut-être même détruit ? Personne ne s’est enquis de savoir si j’avais bien reçu quelque chose. Je n’attendais rien. Et puis il y a eu cette question anodine que tu m’as posée : “Ta gardienne est revenue ?”. Pourquoi te soucier d’elle quand d’autres fantômes bien plus chers nous lient dont nous ne parlons pas ? Alors un doute s’est insinué en moi. Et si tu m’avais envoyé quelque chose ? Un doute en forme d’espoir. Quelque chose que tu me destinais, comme une preuve d’amour. Quelque chose qui encore une fois, aurait manqué sa cible. Et te rendrait malheureux. Tandis que je garderais espoir.