lundi 28 février 2011

472 : dimanche 27 février 2011

Penser à contacter le syndic à propos de Spade : encore du bruit jusqu’à pas d’heure la nuit dernière (m’a même semblé entendre des coups de feu...)

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Acouphène connaît la maison qui a produit Craie vive. Les sons dérangeants qui lui déclenchent un sifflement dans l’oreille, il sait les rendre intolérables : il a le matériel pour ça, chez lui… Mais on n'en veut pas, car il est musicien. En caractères imprimés sur la feuille circulant dans les bureaux du producteur de Craie vive : « Acouphène, coordonnées ci-après, lauréat 1989 du son infime “Danse le brouillard sous la pluie” ». Au XXIe siècle, un créateur de sons ne doit pas avoir été primé au siècle dernier. Cela fait obsolète. Par ailleurs, les sons créés au siècle dernier étaient des mélodies. Exclusivement. Composées par des musiciens. A ces talents, on décernait parfois des prix. Tout cela ne fonctionne plus aujourd’hui, la musique est obsolète. On veut des sons.


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Juste avant d'arriver au bout de la petite rue, j'avais à ma droite, précédant les quatre étages, béton clair, grandes baies et hauts garde-corps de verre brun foncé, du retour d'un immeuble des années soixante dont la façade donnait sur l'avenue, une maison décrépite, abandonnée. Une restauration était sans doute envisagée, et éternellement remise, parce que, parfois, la haute porte, aux deux vantaux curieusement inégaux, dont la peinture vert wagon s'écaillait, était ouverte, laissant voir, dans la faible lueur venant d'une ouverture sur une cour intérieure, un long boyau à l'enduit orné de quelques gypseries dégradées, et des sacs de ciment alignés sur un sol sale en tomettes de Vence vernissées, surprenantes dans notre Provence de l'intérieur, reste vraisemblablement d'une précédente remise en état.


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Quelle que soit la complexité de ce qu'elle entreprend de vous expliquer (ou de vous démontrer dans le cas d'un théorème), la fabrique de paragraphes ne vous fera jamais un dessin. N'y comptez pas. Pas outillée pour.


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Une porte, deux femmes. Une dehors, une dedans, et entre les deux une enfant. Elle est assise par terre, les cheveux dans les yeux, de ses doigts maladroits elle refait ses lacets. C'est un événement pour elle, à cinq ans elle est indépendante et se chausse et se déchausse à volonté. La femme de dehors attend en frissonnant. Elle appelle sa fille une ou deux fois, doucement, fermement. Elle est garée en double file devant le pavillon, elle aimerait libérer rapidement la rue, se retrouver dans la chaleur de son foyer avec sa fille sur ses genoux qui lui racontera son week-end. La femme de dedans s'impatiente. Elle a ses propres enfants, elle aimerait que cela aille plus vite. Que la fille de son mari libère les lieux après son week-end sur deux, qu'elle retrouve sa mère de l'autre côté de la porte entrouverte, une femme trop maigre qu'elle ne voit pas mais dont elle entend la voix douce, ce qui est déjà trop. La fille se dépêche, se bat avec ses lacets, rate recommence, sent les larmes qui vont bientôt monter jusqu'à ses yeux. Enfin son père arrive. Il s'agenouille calmement, refait ses lacets, monte la fermeture de son manteau. Il lui tend son sac, la serre longuement dans ses bras et la laisse aller. L'enfant se faufile de l'autre côté, rejoint sa mère, sans que la porte ne laisse les deux mondes s'entr'apercevoir. Il faut que tout reste à sa place, en ordre. Elle monte dans la voiture de sa mère, ferme les yeux. Le moteur démarre, elles sont parties. La porte est claquée sèchement en attendant les 15 prochains jours.