J’entends que, de l’autre côté, un lit s’étire sur ses moignons. Je me rhabille et me passe un peu d’eau sur le visage. En m’approchant, je me reconnais, surtout autour de ma pupille, la couleur n’a pas changé, il y a toujours un peu de vert au milieu du brun. La porte s’ouvre, entre la rayonnante, qui a de petits yeux pas bien éveillés. Elle passe devant moi, s’assied et pisse sans autre formalité. Je me sens de trop, je dégage, elle lève un peu la tête, comme une taupe étonnée, lorsque je sors à reculons, en hésitant à me courber, en une révérence qui verrait mes cheveux balayer le carrelage et son beige douteux.
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/ Rêve diurne en marge de la nuit du 26 au 27 juillet / « J’aimerais porter un toast, mes amis.
/ Aux rêves, doux rêves, mes amis. / Aux rêves qui font de nous qui
nous sommes. / Aux rêves qui nous permettent de nous trouver les uns les
autres. / De chercher refuge / Et de prendre le temps du réconfort. […]
Aux rêves qui nous font avancer. / Aux rêves qui nous maintiennent en
bonne santé. / Et enfin, aux rêves qui nous réunissent ici, ce soir tous
ensemble. » Dans le film foutraque dessiné par Harmony Korine, Mister Lonely,
on peut doubler l’existence, prétendre la surprendre, contrarier ses
projets, mais pas ceux de dieu, épouser le songe, les contes, poursuivre
l’enfance, rester entre deux mondes en caressant le dos d'un chat de Schrödinger,
balayer les illusions à coup de fantasmes et simulacres. Pourquoi ne
pousserait-on pas la tromperie dans ses plus sains retranchements, soit
la comédie, si le réel n’était qu’une vaste supercherie ? Il m’est longtemps arrivé de douter de l’idée de réalité,
de ne savoir quelle était la part palpable, or la vie n’est
certainement pas au rêve, ce que le corps et à l’âme. Dans l’étroitesse
des relations entre espaces diurnes et nocturnes, si l’obscurcissement
du jour, donne à la nuit sa raison d’être, cette dernière, théâtre d’un
manque - l’excès de jour dont elle est privée - demeure le terrain vague
des soupirs et chimères, de l’inaccompli, l’inavouable, la voix libérée,
les chairs amies, une fente à pénétrer, un vase à emplir, une salle des
pas trouvés, une terre d’asile pour les carences du jour. Ce qui fait
défaut à la nuit et ce que lui laisse le jour en dernier lieu,
c’est-à-dire ses restes de lumière et quelques éclats prolongés dans
l'été. Peut-être, serait-ce bien là un égarement de l’entendement. La
nuit qui est vraie, qui ne truque pas, qui n’illumine ni dévoile, qui seule entend les paroles, dans un « vieux parc solitaire et glacé »
ou ailleurs, la nuit qui est songe, et le songe qui est vie,
l’irréalité de la réalité, le territoire ensommeillé qu’on ne discerne
déjà plus. « La réalité c’est du réel déjà organisé par le symbolique. C’est du réel modifié. » On s’y perd. « Il n’y a nulle part où aller.
Je veux prendre ça à bras le corps. Être seul au milieu de la foule. Je
sais que tout n’est qu’une illusion, un rêve, que tout a une fin. Rien
de trop bon ne dure trop longtemps. Je vois l’espoir sur le visage des
gens. Je sais qu’ils cherchent tous quelque chose. Ils poursuivent un
grand rêve. Chacun d’entre eux veut s’améliorer. Ils cherchent tous des
réponses. Ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’ils ont trouvé. Ils ont
trouvé les uns dans les autres. Et comme toujours, le monde du dehors
nous attend. Il attend patiemment… de pouvoir nous emporter. »