samedi 3 septembre 2011

656 : vendredi 2 septembre 2011

— Monsieur Fayard ? ... Monsieur Fayard ? ... Une voix au fuselage de coton, c'est elle qui venait-heurtoir mou pointiller sur la coque de Farigoule Bastard, là où derrière se cache du remuant. Il ne parvenait pas pourtant à saisir cette longe trop mince ou trop courte ou trop cassante, évaporée entre ses doigts plutôt, dans le miroir les qualités s'étreignent. Confusément on agite autour de lui des corps, un ballet d'épileptiques. Il ne voit pas, puisque dort, ou plutôt dans la profondeur replète de lui-même s'enfonce, comme dans du tissu, comme dans du drap. Il ne voit pas mais devine — la masse d'air ? les tacts électriques ? ce ne peut qu'être simplement du son — il ne devine pas mais flaire, c'est d'un état précis du monde qu'il s'agit, cela demande un inventaire précis, une méthode et un rapport. Il se passe quelque chose. Les outils hélas ne sont pas adaptés, et tous nécessitent une maintenance qui est à cet instant déficiente. Inopérante. Limier erratique, avance au hasard, croit suivre une piste mais ce n'est que le gras de lui-même quand il sombre. Farigoule s'est effondré en lui. La voix persiste, lointaine, humide, un filet de voix, une brume, à peine la moue ou l'inspiration. "Monsieur Fayaaaaaaard" Et se perd, ricoche de limbe en limbe — soit : ne ricoche pas, glisse. "Monsieur Fayaaaaaaard". S'entend répondre Farigoule Bastard Mon nom est Bastard mais les a-t-il même prononcés. Ces mots. Ne sont-ils pas restés à l'état de chenille de mot, cette petite flamme qui résonne dans la coque, dans le creux de l'œuf, à peine formulés, ou pas, à peine engagés dans l'énonciation ? Qu'est-ce que c'est un mot ? Un morceau de soi qui se décroche et vient toucher dehors. Mais si le soi n'est pas tenu, si le soi est évacué ? Si l'occupant déserte ? Comment, le trafic des mots ? A quelles inclinaisons se rendent-ils ? "Monsieur Fayaaaaaard" Mon nom est. Répond. Farigoule est. Mon est. Farigoule est mon répond. Mon. Est. Bas. Tard. B. A. S. Tard. Bas. T. A . R. D. Est. Est. Est. Mon. Est. Nom. Est. En recul sur la scène, c'est un petit théâtre. Une petite troupe s'est formée, Pourquoi Comment va-t-il C'est ki Tavu Keskila lui. On recule encore, toute la gare semble se tourner vers lui, et d'ici c'est un œil, dont la pupille c'est lui, Farigoule, étendu comme brisé comme étendu, sur le dur d'un début de quai, Vu d'ici, on recule encore, on le voit brisé dégingandé abattu C ki Tavu Comment Pourquoi on n'entend plus même rien du distinct, une rumeur un brouhaha concentré concerné, inquiet, avide. Farigoule est au centre, immobile, tout autant royal dans son insu, à la manière de notre corps, de nos organes, de nos pulsions, froides, animales, d'instinct sauvages.

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Rêve ou souvenir d'une image, je ne sais – des collines qui s'emboîtent, rouge et or comme une terre transfigurée, des rangées d'arbres presque naïfs - mais pas tout à fait, comme sur certains tableaux où les primitifs découvraient le paysage et une perspective plate pour leur plaisir, derrière les vierges ou les profils de condottiere ou de de done - et un petit cheval noir bondissant ou cabré, comme suspendu dans cette terre. Une envie de l'approcher, de le calmer, de l'amadouer, de monter dessus, moi qui n'ai jamais chevauché qu'une fois un percheron que mes petites jambes ne pouvaient enserrer, et de partir en vol avec lui dans cet éden très humanisé.


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Le soleil se lève d'abord discrètement. Il étend sa lumière qui n'ose s'éloigner et qui reste condensée auprès le lui. L'horizon se teinte d'une incandescence orangée. Petit à petit, ses rayons se propagent en rampant sur le sol, engloutissant collines et forêts à mesure que le jour grandit. La brise humide laisse place à un vent sec et sans rêves tandis que le paysage blanchi. Encore aujourd'hui, encore un jour sans pluie.


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Paris, se lever pour y aller, Paris, est–ce que ça vaut la coup ? Ce matin le Chanteur est parti du squat, il dépense sa thune pour autre chose que crécher...Il paye des coups à nos fans, beaucoup sont ses fans. Et en chouettes tee– shirt, comme celui des Brigades Rouges qu'il va mettre pour le concert. Si on va à Paris on irait chez Harry Cover chercher d'autres tee– shirts. J'aurais pas joué dans un concert coco en Angleterre, je me lèverai pas pour les trotskistes. Pour aucune formation politique, je suis pas un suiveur. Moi, ma défonce c'est la liberté. Libre d'utiliser les slogans, de détourner les attitudes et de faire monter le son, et aliéné par rien ni personne. Les politiques sont jaloux de nous. Tiens la-bas, la France, c'est romantique avec les événements, les françaises, sûr que c’est quelque chose de débarquer là pour les 10 ans de l'Evénement. Se lever, prendre le train, ce bateau si lent, arriver de l'autre côté de la mer, alors qu'on a juste appris hier soir qu'on est programmé, qu'on a pas répété cette semaine, alors que je sais pas comment faire avec les accord de la dernière chanson pondue. Pas convaincu que c'est de la balle. De toute façon, comme d'hab, mon avis, on l'a pas demandé.